Thomas Voeckler : "on s'organise comme tout le monde !"

30 mars 2020 à 5h00 par Alexandrine DOUET

Ils sont sportifs, cuisiniers, chanteurs et sont eux aussi confinés chez eux en raison de la pandémie de coronavirus. Comment vivent-ils cette période particulière? Nous débutons cette série d'entretiens avec Thomas Voeckler.

ALOUETTE
Thomas Voeckler est lui aussi confiné chez lui avec sa famille : sa femme et leurs trois enfants.
Crédit : France Télévisions

Les confidences de l'ancien coureur Thomas Voeckler qui vit en Vendée, à Mouilleron-le-Captif. Aujourd'hui manager de l'Équipe de France cycliste sur route, consultant pour France Télévisions et ambassadeur pour ASO (Amaury Sport Organisation) il a comme beaucoup de Français dû mettre ses activités entre parenthèses. L'occasion pour cet hyperactif de prendre un peu plus de temps pour s'occuper de sa famille. Et nous en avons profité pour lui demander son avis sur la prochaine édition Tour de France (dont le grand départ est prévu le samedi 27 juin de Nice) tandis que la ministre des sports Roxana Maracineanu a évoqué il y a quelques jours l'hypothèse d'organiser l'événement à huis clos.

Thomas, pour vous le confinement, ça se passe comment ?

Comme pour la majorité des Français je pense. Me concernant, je sortais d’une période depuis le début de saison où j’étais beaucoup absent sur différentes compétitions et dans les différentes missions que j’ai. Confinement à domicile auprès des miens, mes trois enfants et mon épouse. On s’organise comme tout le monde. Entre l’école à la maison et la petite dernière qui a 2 ans-et-demi qu’il faut gérer aussi, les journées sont mine de rien bien occupées ! Et surtout, on respecte le confinement à la lettre. Je suis le seul à être sorti de la maison pour aller chercher de quoi manger.

Pour les enfants, vous êtes professeur ?

Je vous avoue que j’ai essayé. On a fait une journée « maman » et une journée « moi ». Il faut croire que ma patience est plus limitée que celle de mon épouse ! C’est elle qui endosse le rôle de maîtresse. Et moi, je joue mon rôle de nounou auprès de Noah, ma petite de 2 ans-et-demi. Ça me permet de passer pas mal de temps avec elle. Chose que je n’ai pas pu faire avec mes deux grands enfants quand ils avaient le même âge, parce que j’étais sur les routes, un peu partout dans le monde.

On ne gère pas des enfants comme on gère une équipe de cyclistes ?

Ah non ! Dieu merci ! Dans un sens ou dans l’autre. Il y a le côté familial et le côté professionnel. Un côté professionnel mis entre parenthèses pour un moment, pour un bon nombre de personnes...

Il faut structurer les journées en cette période ?

Je suis comme tout le monde mais j’ai peut-être moins l’habitude que quelqu’un qui a un travail sédentaire, à proximité de son domicile. Je suis habitué à bouger. Et là, il faut s’habituer à rester à la maison sans bouger. On a expliqué aux enfants que ce n’était pas des vacances. Il y a un réveil, on s’habille, on se brosse les dents. À 9h30, on se met au travail. On a laissé une petite demi-heure de marge par rapport à notre emploi du temps habituel !

Le télé-travail, est-ce que c’est possible pour vous qui êtes un homme de terrain ?

Pas vraiment. Avec la fédération c’est en suspens. Les Jeux Olympiques étant désormais reportés, tout ce qu’on avait mis en place est mis entre parenthèses. Je suis 100% au chômage technique. Ça concerne mes activités de consultant pour la télé, de manager de l’Équipe de France sur route. On peut aussi ajouter à cela mon rôle d’ambassadeur au sein de l’ASO (ndlr, Amaury Sport Organisation, organisateur de nombreux grands événements sportifs tels que le Tour de France, le Dakar et le Marathon de Paris).

Pour toutes ces missions, ce n’est pas possible de faire du télé-travail ?

En dehors des quelques sollicitations médiatiques auxquelles je réponds, c’est vrai que je suis aujourd’hui à domicile sans pouvoir travailler.

Et pour garder la forme, vous avez un vélo d’appartement à la maison ?

Depuis que j’ai arrêté ma carrière, je prends plaisir à faire du vélo de temps en temps avec aussi un peu de course à pied. Depuis dix jours, c’est impossible. Et le home-trainer, je n’étais pas fan quand j’étais en carrière ! J’ai fait don des deux que j’avais à des coureurs toujours en activité. Le vélo c’était pour moi une passion, un métier - c’est maintenant un plaisir. Je reprendrai comme tout le monde, quand la situation le permettra.

On peut toutefois conseiller le home-trainer quand on est bloqué à la maison ?

Il faut juste faire attention. C’est valable pour les sportifs de haut niveau, occasionnels et pour tous ceux qui ont repris une activité du fait du confinement. Il faut faire attention à ne pas trop « taper dedans ». Quand on fait du vélo d’appartement, le rythme cardiaque montre très haut. Quelqu’un qui n’a pas l’habitude doit être prudent, pour réhabituer le cœur à s’entraîner. Et surtout, il faut bien penser à boire car on transpire beaucoup plus que quand on a une activité en extérieur. Il faut compenser la perte hydrique et ça, c’est primordial !

Et les coureurs de l’Équipe de France, comment est-ce qu’ils maintiennent leur état de forme ?

En ce moment, il y a deux cas de figure : ceux qui ont beaucoup couru, notamment pour Paris-Nice et qui se sont octroyés une semaine complète de repos. Ne pouvant plus s’entraîner, ils en ont profité pour faire une coupure de récupération. D’autres ont maintenu leur activité parce qu’ils n’avaient pas le même programme depuis le début de l’année. C’est vraiment une situation compliquée pour un coureur professionnel, qu’il fasse partie de l’équipe de France ou non. Chaque métier à ses contraintes. Mais puisqu’on parle de cyclisme, c’est extrêmement compliqué dans la mesure où un coureur professionnel comme n’importe quel sportif de haut niveau fonctionne avec une carotte, un objectif, une date de reprise. Et là, pédaler dans le vide sans savoir quand il va pouvoir reprendre la course, c’est compliqué à gérer.

Un mot sur le Tour de France. Quel est votre avis ? Doit-il ou non avoir lieu ?

Aujourd’hui, je peux vous donner un avis mais je n’ai pas de certitude. Au moment où on se parle, personne ne peut dire si le Tour aura lieu ou pas. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un petit événement à organiser mais ce n’est pas non plus un brassage de population comme pour les Jeux Olympiques. Les JO ont été reportés, c’est acté. Maintenant, le Tour de France aura-t-il lieu aux mêmes dates ? Je ne peux pas vous répondre. Une chose est sûre, il va falloir que les coureurs puissent s’entraîner. On ne peut pas aller sur le Tour de France en s’entraînant sur un home-trainer.

C’est compliqué de s’entrainer pour la montagne, le contre-la-montre sur un vélo d’appartement ?

Ça peut dépanner. Mais en admettant que les coureurs restent confinés tout le mois d’avril, qu’ensuite la situation s’améliore et que dès début mai ils puissent aller en stage et s’entraîner à l’extérieur, alors ils pourront avoir un niveau de forme acceptable. Mais sans être à 100%, ça c’est une certitude ! Maintenant, c’est pareil pour tout le monde. Je ne pense pas qu’il y ait des pays où il est encore possible de s’entraîner à l’extérieur. Donc ce qui est sûr, c’est que si le Tour de France a lieu, ce sera un Tour différent. Peut-être pas mieux, pas moins bien… Ce sera à l’image de l’année historique qu’on est en train de vivre.

Un tour à huis clos, on peut l’imaginer ?

On n’est pas dans un stade de foot. J’ai entendu Madame la ministre. En parlant de huis clos, elle pensait aux aires de départ et zones d'arrivée. Sur les 3.400 km du Tour, ce n’est pas possible d’empêcher le public de venir. Ce que j’aimerais souligner, c’est que si le Tour a lieu, il faut qu’il ait lieu pour les bonnes raisons, ça voudra dire que la situation s’est améliorée. Je suis proche des organisateurs. Même s’il y a des engagements économiques importants, ils sont conscients des risques et ils ne mettront jamais en danger la santé de quiconque pour organiser une course aussi importante et aussi belle soit-elle.

Aujourd’hui, on a du mal à imaginer cette foule amassée au sommet des cols pyrénéens et alpins.

Au moment où on parle, oui. Moi, je ne suis pas compétent et je ne suis pas sûr qu’il y ait quelqu’un de compétent en ce moment pour dire quelle sera la situation dans trois mois. Ce qui est sûr, c’est que si le Tour devait partir demain, ça ne serait pas jouable.

(Propos recueillis par Denis Le Bars)