Vaccin contre le Covid-19 : la bonne santé du laboratoire nantais Valneva
Publié : 2 février 2021 à 9h46 par Alexandrine DOUET
Dans la course au vaccin contre le Covid-19, une société fait figure d’outsider : le laboratoire franco-autrichien Valneva basé près de Nantes à Saint-Herblain. Entretien avec le directeur général Franck Grimaud.
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L'entreprise de biotechnologie qui emploie 500 salariés dont une soixantaine sur son site herblinois, est en train de se faire une place au milieu des poids lourds de l'industrie pharmaceutique. Le Royaume-Uni qui a lancé sa campagne de vaccination dès le début du mois de décembre, est le premier pays à lui avoir fait confiance en lui passant une importante commande et en finançant notamment les essais cliniques.
Vous venez d’annoncer une nouvelle commande de doses de vaccin supplémentaires par le Royaume-Uni, qu’en est-il exactement ?
Absolument, on doit livrer 60 millions de doses au Royaume-Uni avant la fin de l’année 2021, puis 40 millions de doses supplémentaires pour 2022. Nous sommes également en discussions avancées actuellement avec la Commission européenne qui représente les 27 Etats membres et nous espérons conclure un accord pour 60 millions de doses, y compris à partir de début 2022, plus tôt si on le peut.
Comment est-ce que vous vous êtes lancé dans cette course au vaccin contre la Covid-19 et depuis quand ?
Valneva est une société spécialisée dans le domaine du vaccin, notamment du vaccin anti-infectieux. Pour exemples : on commercialise actuellement déjà deux vaccins du voyageur, un vaccin contre la maladie de Lyme qui est en phase 2, et un vaccin contre le Chikungunya qui est en phase 3, donc, notre métier, c’est vraiment de développer, de produire et de commercialiser des vaccins anti-infectieux. Début 2020, on a observé un petit peu ce qu’il se passait et on a vite compris que c’était une maladie qui n’allait pas partir en trois ou six mois, mais qui allait probablement être là pour durer. On a également observé ce que nos confrères producteurs de vaccins développaient en termes de types de technologies et on a jugé intéressant de développer un vaccin inactivé, différent de ce qui était proposé jusqu’à maintenant. On a donc commencé en avril 2020 tout le processus, la première étape a eu lieu à Nantes pour constituer la banque virale, qui a été ensuite envoyée en Ecosse pour commencer à produire les lots cliniques, et c’est également en Ecosse qu’on produira les lots commerciaux. On a commencé les premières campagnes de production la semaine dernière. Toute notre infrastructure de recherche et industrielle est mise à contribution.
Quel rôle a joué le Royaume-Uni dans cette course au vaccin ?
On a discuté avec différents gouvernements et c’est le Royaume-Uni qui s’est positionné le premier. C’était vraiment très important qu’on ait rapidement un soutien financier pour des essais cliniques et pour la construction d’une nouvelle usine. Nous avions déjà une unité de production en Ecosse mais ils ont considéré comme stratégie de pouvoir avoir un deuxième site de production important, à travers l’investissement, dans une deuxième unité qui sera basée également en Ecosse juste à côté de notre site actuel. On devient ainsi, au Royaume-Uni, le deuxième site de production de vaccins. Le Royaume-Uni nous a donc apporté une réponse complète pour le financement des essais cliniques, la construction d’une nouvelle usine et des pré-commandes.
Y a-t-il d’ores et déjà des vaccins prévus pour la France ?
On l’espère ! Dans la négociation, la Commission européenne représente tous les 27 Etats membres, dont la France. On arrive bientôt au stade où l’accord est quasiment conclu. Chacun des 27 Etats membres vont demander à la Commission européenne le nombre de doses qu’ils veulent de notre vaccin, on espère que la France en demandera également.
Quand aurez-vous les premiers résultats des essais cliniques ?
Nous avons une phase 1 et 2 combinée, en cours actuellement, qui va nous permettre de voir si notre vaccin n’a pas d’effets secondaires et de trouver la meilleure dose à délivrer. En avril, on va pouvoir communiquer les résultats, et s’ils sont bons, on va pouvoir enchaîner sur une phase 3 finale dont on aura les résultats en septembre. On est en dialogue avec l’Agence Européenne des Médicaments pour finaliser le protocole d’enregistrement. A partir du moment où on aura l’enregistrement, on pourra donc mettre des doses à l’attention du public, doses qu’on commence déjà à produire en parallèle.
Avez-vous conscience de ne pas faire figure de favori dans cette course au vaccin ?
Oui, mais avec une capacité, en tout, de 200 millions de doses, ça représente quand même 100 millions de personnes à vacciner, ce sont déjà des chiffres considérables. Effectivement, les grands acteurs, dans cette course au vaccin, sont en position de produire 1 milliard de doses par an. Néanmoins, pour nous, c’est un enjeu majeur qui peut complétement transformer notre société, si on réussit. La société emploie actuellement 500 salariés, on table sur 800 à 900 employés d'ici la fin de l'année.
Quelle est la spécificité de votre vaccin ?
C’est un vaccin inactivé, très similaire à celui de la grippe qui est développé chaque année. D’ailleurs, si jamais on devait développer à l’avenir un nouveau vaccin contre des nouveaux variants, on serait à même de pouvoir le produire très rapidement, en l’espace de cinq à six mois, une fois qu’on aura obtenu un premier enregistrement.
Quel est son efficacité par rapport aux autres vaccins actuellement disponibles ?
Seuls les résultats cliniques permettront d’y répondre. Pour l’instant, on ne peut pas trop s’avancer, on est confiants puisque c’est une technologie qui est déjà maîtrisée mais il va falloir attendre les résultats cliniques.
Quel est le conditionnent de votre vaccin ?
Le stockage se fait entre 2 et 8 degrés dans un frigo classique dont disposent toutes les pharmacies et tous les médecins, c’est l’un des intérêts de notre vaccin. On peut donc le distribuer très facilement. On va proposer le vaccin sous forme de flacons 10 doses, très faciles d’utilisation. Il est possible qu’à l’avenir on le propose même sous forme de seringue individuelle, c’est l’avenir qui le dira mais cela fait partie des possibilités.
(Entretien retranscrit par Mikaël Le Gac)