Affaire Le Scouarnec : "il s'agit d'un déni collectif", dénonce l'autrice d'un livre enquête

Publié : 28 février 2025 à 10h10 par Elouen ROUCHY

Marika Mathieu a publié le mois dernier "L'impuni", un livre enquête sur l'affaire Joël Le Scouarnec.

Marika Mathieu
Crédit : Marika Mathieu

Le procès hors-norme de Joël Le Scouarnec se déroule en ce moment à Vannes. Le mois dernier, l'autrice Marika Mathieu publiait son livre-enquête sur cette affaire : "L'impuni". Son ouvrage s'appuie sur le dossier judiciaire. Elle y dénonce le déni collectif de ses proches, ses amis, ses collègues, qui savaient peut-être des choses, mais qui l'ont laissé agir en toute impunité. 

Joël Le Scouarnec, c'est cet ancien chirurgien accusé de viols et d'agressions sexuelles sur 299 victimes. Il est jugé en ce moment à Vannes pour des faits qu'il a notamment relatés dans un carnet.

Pendant des années, il a noté les noms de ses victimes et ce qu'il leur avait fait subir, explique Marika Mathieu au micro d'Alouette : "C’est comme ça qu’on a pu retrouver quasiment l’ensemble des victimes présumées de cet homme. Mais, finalement, c’est aussi comme ça qu’on peut comprendre comment se déroule la vie d’un pédocriminel assumé comme l’était Joël Le Scouarnec. Et surtout comment se comporte l’entourage d’un tel homme. Comment, finalement, la société permet à un homme qui a ce type de perversion d’agir en toute impunité dans notre société."

 

"Qui sont ces femmes qui vivent auprès de crimino-sexuel ?"

Cette semaine, l'ex-femme de Joël Le Scouarnec était entendue à la barre. Elle a assuré ne jamais avoir pu imaginer ce que son mari perpétrait. Le frère de l'accusé affirme pourtant le contraire, sans pouvoir apporter de preuve.

Certaines personnes semblent donc être dans le déni, comme l'indique Marika Mathieu : "C’est à ça qu’il faut s’attaquer dans cette affaire en particulier. Bien sûr, il y a son ex-femme qui a fait converger beaucoup de regards. Parce que ses déclarations sont elles-mêmes contradictoires et qu’elle a donné lieu à des heures d’auditions pour ne rien entendre, et affirmant finalement qu’elle ne voudrait rien entendre. Mais il faut se poser des questions au travers d’elle. Qui sont ces femmes justement qui vivent auprès de crimino-sexuel ? On l’avait déjà vu lors du procès des viols de Mazan. Ses collègues, ses amis, ses paires de l’Ordre des Médecins qui ont eu à décider de le conserver, ou non, parmi eux et lui permettre d’exercer. Toutes ces petites décisions, c’est ça que j’ai étudié. Ces manières de faire, ces manières de faire avec. Au prix parfois d’immenses conflits intérieurs et psychologiques. Et c’est à ça qu’il faut aujourd’hui s’atteler. Parce que c’est là que sont les verrous, finalement, qui nous empêchent de nous approprier ces histoires comme les nôtres et surtout de mettre en place les moyens, enfin, de politiques publiques cohérentes à la hauteur d’un fléau qui va bien au-delà de l’affaire Le Scouarnec. Puisque combien sont-ils à agir comme lui dans l’ombre ?"

 

Un fait social

L'affaire Le Scouarnec n'est pas isolée. Elle rappelle l'affaire d'Outreau, Mazan, ou plus récemment, les actes de tortures et de barbarie perpétrées par un agent de la petite enfance en Loire-Atlantique.

Marika Mathieu rappelle au micro d'Alouette que "160 000 enfants, chaque année, sont victimes d’agressions sexuelles avant leurs 18 ans. Ça fait 3 par classe, c’est toutes les trois minutes. C’est évidemment un fait social. Mais le fait social, aussi, c’est la manière de les laisser passer ces 98% d’hommes qui agressent. Mais la manière de s’attaquer véritablement à ce phénomène, c’est de prendre en compte ce déni. Ce déni dans lequel nous sommes tous impliqués. Celui-là aussi est social et forme aussi une chaîne et un rempart pour les criminels sexuels."

 

Aller au-delà de l'effroi

Selon l'autrice, tout le monde se croit seul dans ces affaires. Mais 5,4 à 5,6 millions de Français ont été victimes d'agressions avant leurs 18 ans.

Marika Mathieu, autrice, au micro d'Alouette

Marika Mathieu qui est invitée par la librairie Durance, à Nantes, pour une rencontre avec ses lecteurs, ce vendredi 28 février à 19h.