Déserts médicaux : un député Mayennais dépose une nouvelle proposition de loi à l’Assemblée

20 janvier 2022 à 14h32 par Denis LE BARS

Ce n’est pas une première, mais plutôt une nouvelle tentative. Le député de la Mayenne Guillaume Garot a déposé ce jeudi 20 janvier une proposition de loi destinée à imposer des territoires aux jeunes médecins.

Guillaume Garot
Guillaume Garot
Crédit : Capture écran | Twitter

Imposer des médecins là où il n’y en a pas, interdire les remplacements de médecins là où ils sont trop nombreux. C’est l’esprit de la proposition de loi déposée par l’ancien ministre socialiste et ancien maire de Laval, Guillaume Garot. Entretien.

Un mot sur la situation en Mayenne qui est la même que celle que nous rencontrons dans de nombreux départements ruraux. Est-ce qu’on peut véritablement parler de désert médical en Mayenne ?

Hélas, il y a beaucoup de Mayennais aujourd’hui qui n’ont pas de médecin traitant. Pour des raisons très simples, ils avaient un médecin, ce médecin est parti en retraite, il a fermé son cabinet, il n’a pas trouvé de remplaçant, et donc les patients se trouvent complétement démunis. Alors, c’est l’inquiétude, c’est l’angoisse même, et puis c’est une injustice profonde parce qu’on a tous droit dans notre pays à avoir accès à la santé. Il ne faut pas s’étonner ensuite de voir nos urgences engorgées dans les hôpitaux parce que, tout simplement, les patients se tournent vers la seule solution médicale possible et c’est pour ça qu’ils viennent vers les urgences, vers l’hôpital. Donc, c’est impératif aujourd’hui de trouver des solutions à la désertification médicale qui touche beaucoup trop de territoires français.

Le processus auquel on assiste, parce que vous évoquez les départs en retraite qui sont inévitables, c’est qu’il n’y a pas de remplacements, c’est-à-dire que les jeunes médecins ne s’installent pas dans nos zones rurales. C’est bien cela le problème ?

C’est un des problèmes, en effet, et c’est pour ça qu’il faut des solutions très fortes. Parce que depuis des années, on avait essayé ce qu’on appelait l’incitation, donc, ça veut dire qu’on incitait, par des mesures financières, les jeunes médecins à s’installer là où on avait besoin d’eux. Sur le papier, c’est très bien mais en réalité ça n’a pas donné grand-chose, ça n’a pas suffi à faire que de nouveaux médecins s’installent dans nos territoires. Alors, on nous a dit aussi, en particulier aux élus locaux, de faire des maisons de santé avec plusieurs professionnels de santé. Nous l’avons fait dans de très nombreux territoires, mais là encore, ça n’a pas donné les résultats escomptés car très souvent il manque le médecin dans ces maisons de santé, donc là non plus, ça n’a pas été la bonne solution. Aujourd’hui, moi je suis convaincu que si on n’a pas de solutions volontaristes, on n’arrivera à rien.

Plutôt que d’incitation, vous préférez donc parler d’obligation...

Oui, je crois qu’il faut en arriver là pour une durée limitée sans doute. Parce que devant nous, il y a le creux démographique annoncé, ça veut dire qu’aujourd’hui, il y a des médecins qu’on ne trouvera plus demain. Cela veut dire que le plus difficile est à venir, et ça, c’est à échéance de 8 ans. Donc, ce que je propose, c’est que pour les huit prochaines années, on passe contrat avec la Nation et les jeunes médecins en leur demandant d’exercer là où on a besoin d’eux. Concrètement, ça veut dire qu’un jeune médecin pourrait être collaborateur d’un médecin qui part à la retraite, il pourrait être salarié d’un centre de santé, il pourrait aujourd’hui aussi être en exercice mixte entre l’hôpital et le cabinet à quelques kilomètres de là où il n’y a plus de médecins non plus… Mais, il faut vraiment qu’on trouve des solutions et je ne vois pas d’autres solutions aujourd’hui, en tout cas, l’incitation ne marche pas et il faut maintenant des mesures très fortes.

Il y a une deuxième proposition que je formule pour stopper les injustices, c’est de ne plus autoriser plus l’installation d’un médecin dans les zones où on compte suffisamment. Je pense en particulier aux zones du littoral de notre pays, dans le Sud… Ces territoires sont déjà très bien pourvus en présences médicales, et donc, ce n’est pas la peine qu’il y ait davantage de médecins, ça aggraverait finalement les inégalités entre les citoyens. Donc, il n’y aurait plus possibilité pour eux de s’installer dans ces territoires, sauf bien sûr, un départ à la retraite qu’il faudrait compenser. L’objectif, c’est de passer un contrat entre la Nation et ces médecins pour qu’on ait la meilleure répartition possible à l’échelle du territoire national.

Vous n’êtes pas le premier à avoir déposé ce type de proposition de loi, ou en tout cas, des propositions de lois ressemblantes à la vôtre. Mais ça n’a jamais pris, ça n’a jamais fonctionné, ça n’est jamais passé.

Hélas, ça n’est jamais passé. Et, on n’a même pas essayé. C’est vraiment ce que je regrette profondément, parce que moi, ça fait des années que je me bats sur ce sujet de la désertification médicale. Il y a beaucoup de conservatisme, beaucoup de blocages et on voit aussi qu’il y a des résistances très fortes du côté des médecins en particulier et de leurs relais à l’Assemblée nationale. Donc, ce qui compte aujourd’hui, c’est qu’on puisse passer outre ces blocages et ces résistances, au sens où, c’est l’intérêt général qu’il faut faire prévaloir. On ne peut pas en rester à cette libre installation qui, finalement, n’a pas produit les effets qu’on attendait. Et donc, n’a pas permis la meilleure répartition possible à l’échelle nationale. Je reviens à cette idée de contrat, parce que quand on y réfléchit bien, la Nation finance les études des jeunes médecins, de ceux qui veulent devenir médecins… Mais, allons plus loin sur la réalité, sur le contrat, les revenus de nos médecins, ils sont garantis par nos cotisations sociales à la sécurité sociale, donc, il n’y a pas de problèmes de fin de mois pour nos médecins. Donc, qu’est-ce qu’il y a de choquant aujourd’hui à dire aux médecins : « Ecoutez, on va discuter ensemble de la meilleure façon de garantir votre présence partout sur le territoire » ? D’arrêter ces injustices, ces inégalités entre les territoires et entre les citoyens. Et, de faire en sorte que chaque Français puisse trouver un médecin près de chez lui, c’est à notre portée et je le dis d’autant plus facilement que ça existe pour les autres professions de santé. Par exemple, un pharmacien ne s’installe pas exactement là où il veut, un pharmacien est obligé d’obéir à des règles, notamment des règles démographiques, le bassin de population où il souhaite s’installer, il y a un contrôle qui est fait, une régularisation qui est faite et qui permet justement que ce soit la meilleure répartition possible. Aujourd’hui en France, partout où vous allez, il y a des pharmacies. Donc, il faut trouver un système comparable, sans doute pas le même, mais comparable avec les médecins.

(interview retranscite par Mikaël Le Gac)