Faut-il réautoriser les pesticides toxiques pour les abeilles ?

Publié : 14 mai 2025 à 15h24 par Laura Vergne

Le retour d’un pesticide toxique pour les abeilles est en débat au Parlement. Jean-Michel Prompt, apiculteur dans l’Indre, alerte sur les dangers.

Apiculteur
Crédit : illustration Envato - DR

Le Parlement doit examiner le 26 mai une proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb visant à réintroduire les néonicotinoïdes, ces pesticides interdits en France depuis 2018. Cette mesure, censée soutenir certaines filières agricoles comme la noisette, suscite une vive opposition dans l’Ouest, notamment chez les apiculteurs et les scientifiques qui alertent sur ses conséquences pour la biodiversité et la santé publique.

On a perdu les deux tiers de nos ruches.” Jean-Michel Prompt n’a rien oublié des années 90. Président du syndicat des apiculteurs de l’Indre, il a vu son exploitation s’effondrer avec l’arrivée des néonicotinoïdes : "On a  perdu plus de la moitié de nos ruches, voire les deux tiers. La production de miel a diminué de deux tiers. Et le nombre de ruches, depuis les années 90, n’a pas pu remonter au niveau précédent", se révolte l'apiculteur.

Laurent Duplomb au micro d'Alouette :

Ce que dit la science

Ces pesticides sont interdits en France depuis 2018. Dans un rapport, à cette même année, l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a confirmé des risques sur le système nerveux des insectes.

"Ce pesticide est dangereux pour la population aussi. Les agriculteurs, combien souffrent de maladies neurologiques ? Combien sont malades de cancers ? Ce sont ces produits qui entrainent ces maladies", martèle Jean-Michel Prompt.

Philippe Grandcolas, chercheur au CNRS, précise : "les études scientifiques montrent un déclin de 70 à 90 % des populations d’insectes dans les paysages les plus impactés par les pesticides. Trois quarts des plantes doivent être pollinisées pour produire".

 

Un texte qui divise

C'est Laurent Duplomb qui porte cette proposition de loi. Le but du sénateur : diminuer les contraintes du métier d'agriculteur. Son texte est soutenu par Arnaud Rousseau, le président du premier syndicat agricole FNSEA, qui parle de "moteur législatif dont notre agriculture a besoin pour redémarrer". La FNSEA attend notamment "une simplification des procédures pour les éleveurs" et un "meilleur accès à l'eau," selon l'AFP.

Apiculteurs, scientifiques et élus tirent la sonnette d’alarme. "Cette loi prétend défendre la souveraineté alimentaire, mais depuis quand est-il acceptable de détruire une filière, celle des apiculteurs, pour en sauver une autre, celle des noisetiers par exemple ?", a dénoncé Christian Pons, président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf).

Yves Delaunay, apiculteur en Vendée et vice-président de l’Unaf, témoigne de son côté des ravages causés : "Après l’arrivée des néonicotinoïdes, dans les années 90, de 80 kg de miel par ruche, nous sommes tombés à 5 kg. Une perte incroyable. On n’a jamais été indemnisés. J’ai des collègues qui se sont pendus. Moi, j’ai failli le faire."

Depuis plusieurs années, le débat revient régulièrement : comment rester compétitif face à des pays voisins qui autorisent certains pesticides interdits en France ? Une concurrence jugée déloyale par une partie du monde agricole, qui estime être pénalisée. Mais faut-il pour autant réintroduire des substances connues pour leur toxicité sur les pollinisateurs et, potentiellement, la santé humaine ?

C'est toute la question que pose cette proposition de loi. Le 26 mai, l’Assemblée nationale devra trancher.