Confinement : comment s'organisent les librairies indépendantes ?
6 novembre 2020 à 13h05 par Alexandrine DOUET
Avec la mise en place du confinement de nombreux commerces "non-essentiels" ont dû fermer leurs portes au public, à l'image notamment des libraires. À Nantes, la librairie Coiffard, véritable institution, a immédiatement rebondi. Entretien avec Stéphanie Hanet, responsable de la librairie.
Comment vous êtes-vous organisés depuis la fermeture de votre librairie ?
C’est la 2e fois que ça nous arrive donc malheureusement on commence à avoir un peu d’expérience. Dès le vendredi 30 octobre à 10h, nous avons mis en place un système de retrait de commandes. Notre volonté c’est que nos lecteurs puissent continuer à nous joindre par téléphone, courrier ou via notre site internet
Ce dispositif a donc été plus facile à mettre en place ?
Non pas plus facile, mais en tout cas plus rapide puisqu’on avait déjà fait ça entre mi-avril et mi-mai. Mais on reste très inquiets, parce que cette période est charnière pour nous. Les mois de novembre et décembre représentent 40% de notre chiffre d’affaires magasin. C’est énorme! Il fallait donc qu’on réagisse immédiatement.
Vous proposez le système de "Click and Collect" ?
Oui. Soit les gens viennent retirer leur commande directement devant la librairie. Ce qu’ils ont le droit de faire après avoir coché la case "retraits de colis" sur leur attestation, soit ils choisissent la livraison à domicile s’ils habitent à Nantes, Rezé et Saint-Herblain. Leur commande peut aussi être expédiée par La Poste.
Et à propos du personnel ? Quelle décision avez-vous prise ?
Aujourd'hui, notre volonté c’est évidemment de garder toute l’équipe, par contre en passant par le chômage partiel. On est passé de 35 heures à 25 heures par semaine pour chaque salarié. C’était inenvisageable autrement.
Quelle a été votre réaction après l’annonce de la fermeture des rayons culture dans les grandes surfaces ou encore du rayon livres des grandes surfaces culturels comme la FNAC?
Honnêtement quand on a su que la FNAC qui est à 25 mètres de notre librairie restait ouverte et en particulier laissait ouvert son accès aux livres, bien sûr ça nous a mis en colère. C’est une distorsion de concurrence tellement flagrante qu’on était assez sidérés.
En fait, on est très embêtés à ce sujet. On a toujours en tête les hôpitaux, les soignants et en tête et on veut rester raisonnables. Mais maintenant quand on arrive en novembre et qu’on se retrouve avec des stocks par-dessus la tête et que les livres peuvent être trouvés dans les grandes surfaces, évidemment ça nous met en colère. On est soulagés qu’une solution ait été trouvée. Mais est-ce que c’est la bonne solution ? C’est d’une tristesse de se rendre compte que la vente de livres est d’une certaine manière interdite.
Je préférerais bien sûr que la librairie soit ouverte. On sait faire maintenant. On est masqués, il y a du gel, on sait mettre la distance. Nous sommes une équipe de vingt personnes. Aucun d’entre nous n’a attrapé le Covid jusqu’à maintenant. Mais, je ne sais pas quelle est la meilleure solution.
Le livre est-il selon vous un produit de première nécessité ?
J’ai envie de vous dire oui. Si on enlève le livre aux gens, c’est le début de la fin. Tellement de choses viennent de là. Pour moi, c’est dangereux de ne plus avoir accès aux livres.
Maintenant, il faut trouver les bonnes solutions pour ne pas mettre en danger les soignants et la santé des gens. En tant que libraire, je ne peux que vous répondre que oui. Bien sûr il vaut mieux avoir à manger du pain…
Mais de la même façon, il est dangereux que le théâtre, le cinéma… ne soient plus accessibles. La culture c’est primordial !
Et du côté des clients, répondent-ils "présent" depuis la fermeture de votre librairie ?
Oui, on a un soutien merveilleux de nos lecteurs, de gens qui nous connaissent ou qui ne nous connaissaient pas. On se sent extrêmement soutenus. Dans l’univers de la culture, la librairie n’est pas forcément la mieux placée. Par exemple on fait partie des commerçants qui se font la plus petite marge. Or depuis le déconfinement en mai dernier, notre fréquentation s’est développée. Les gens sont là, nous soutiennent. Ça fait plus de 20 ans que je fais ce métier et je pense qu’il commence à y avoir une vraie prise de conscience de l’importances des librairies indépendantes et du mal que peut faire Amazon.
À Nantes, les commerçants sont solidaires avec ce message « Jouons collectifs, jouons local ».
Il y a finalement du positif dans tout ça. Maintenant rien n’est gagné. Il y a encore un vrai travail de prise de conscience à poursuivre. Mais il y a une émergence de quelque chose je pense.