Coronavirus : le Parlement adopte le projet de loi d'urgence sanitaire

23 mars 2020 à 6h00 par Arnaud Laurenti

Le Parlement a bouclé dimanche quatre jours de travaux intensifs en comité restreint par l'adoption définitive d'une batterie de mesures face au coronavirus, qui vont déboucher sur l'instauration pour deux mois d'un "état d'urgence sanitaire", régime d'exception.

ALOUETTE
Crédit : Archives

Après un dernier vote à main levée au Sénat dominé par la droite, l'Assemblée a approuvé à son tour dans la soirée le texte selon les mêmes modalités, dans un hémicycle quasi vide pour raisons sanitaires.

Un appel à l'unité

Dans une ambiance "grave", des élus de divers bords ont appelé à l'"unité" et à "la mobilisation générale", alors que le virus a déjà fait plus de 670 morts dans le pays.

Un compromis entre députés et sénateurs avait été dégagé en début d'après-midi, après de longues tractations en commission mixte paritaire (CMP).

Dès sa publication au Journal officiel, la loi va instaurer l'état d'urgence sanitaire, qui encadre la restriction des libertés publiques (confinement, réquisitions...).

Comme en première lecture à la chambre basse, le texte a eu l'appui de la majorité LREM-MoDem, qui a défendu l'octroi au gouvernement de "toutes les armes nécessaires" face à la crise.

Il a aussi eu le soutien de l'UDI-Agir et de LR, le député du groupe de droite Philippe Gosselin estimant que "le gouvernement a désormais toutes les cartes en main" pour "nous préparer à des jours meilleurs".

Le PS s'est pour sa part abstenu, en soulignant toutefois être "très favorable" aux mesures permettant de répondre à l'"exigence absolue" que les Français restent chez eux. Comme au Sénat, le PCF a voté contre, Elsa Faucillon mettant en avant des "inquiétudes" sur les mesures "dites sociales" avec des "dérogations profondes" et potentiellement durables.

Au nom du groupe LFI, Jean-Luc Mélenchon a aussi déploré des mesures "pas à la hauteur de la situation", tout en jugeant le confinement forcé "indispensable". Il a plaidé pour que "le front social" soit "pourvu sans délai" de masques, respirateurs et tests.

Le gouvernement promet des "garanties"

Samedi, le Premier ministre Edouard Philippe avait appelé à une "concorde exceptionnelle", alors que "sur tous les continents, s'installe un sentiment d'urgence et parfois de panique".

Mais plusieurs voix se sont rapidement élevées pour dénoncer un "champ des restrictions des libertés publiques beaucoup trop large" (LFI) et "excessif" (PS), LR soulignant aussi "le pouvoir colossal" accordé au gouvernement et sa "responsabilité terrible".

En face, majorité et exécutif ont mis en avant les "garanties" apportées et le caractère provisoire de ces dispositions pour lutter contre un "virus au comportement incertain".

Députés et sénateurs sont finalement parvenus à un accord dimanche, encadrant davantage les pouvoirs octroyés au gouvernement.

Durcissement des sanctions

Outre l'"état d'urgence sanitaire", le texte autorise le gouvernement à prendre par ordonnances une série de mesures pour soutenir les entreprises et acte le report "au plus tard au mois de juin 2020" du second tour des municipales.

Les municipales, et en particulier la date de dépôt des listes, ont été un autre point de friction entre Sénat et Assemblée, plusieurs élus jugeant "surréaliste" d'en discuter en longueur en pleine crise.

Députés et sénateurs ont là aussi trouvé un compromis: si les conditions sanitaires le permettent, le dépôt des listes aura lieu le 2 juin en vue du second tour.

Le texte prévoit par ailleurs de durcir les sanctions pour les Français qui ne respecteraient pas le confinement. Les 135 euros d'amende forfaitaire passeront ainsi à 1.500 euros en cas de récidive "dans les 15 jours" et "quatre violations dans les trente jours" pourront valoir "3.700 euros d'amende et six mois de prison au maximum".

Il permet aussi aux employeurs d'imposer une semaine de congés payés aux salariés confinés, mais après un accord d'entreprise ou de branche, ont précisé les députés.

Assemblée et Sénat avaient pour objectif initial de s'accorder d'emblée. Dans une interview au Télégramme dimanche, le président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM) note que malgré les retards, "l'essentiel est que l'état d'urgence sanitaire pourra être promulgué ce lundi".

"Grâce à lui, le gouvernement pourra réagir rapidement aux problèmes qui ne manqueront pas de se présenter chaque jour et qu'aucune loi ne saurait prévoir", relève-t-il.

L'autre texte d'urgence, un projet de loi de finances rectificative (PLFR), pour répondre au "tsunami" économique selon les termes du Premier ministre, avait lui été adopté sans encombres. Il prévoit aussi des mesures en soutien aux entreprises, mais tous les parlementaires ont dans l'idée qu'il en faudra d'autres.

(avec AFP)