Le gouvernement veut instaurer le vote par anticipation pour la présidentielle

17 février 2021 à 7h31 par Arnaud Laurenti

Le gouvernement a déposé mardi au Sénat un amendement destiné à permettre le vote par anticipation pour l'élection présidentielle de 2022, ce qui constituerait une première en France s'il est adopté par les parlementaires.

ALOUETTE
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Cet amendement ajouté au dernier moment à un texte sur l'organisation technique du scrutin présidentiel prévoit un vote par anticipation dans certains bureaux, via une machine à voter, à une "date fixée par décret, durant la semaine précédant le scrutin", indique l'amendement.

Les électeurs pourront, selon l'exposé du texte, "demander à voter dans une autre commune de leur choix parmi une liste de communes arrêtées par le ministre de l'Intérieur".

Opposition de l'opposition

Le texte technique sur l'élection présidentielle, déjà adopté par l'Assemblée nationale en janvier, doit être soumis jeudi en séance publique au Sénat, à majorité de droite.

Auparavant, l'amendement aura été examiné mercredi par la commission des Lois qui devrait le repousser, selon la majorité sénatoriale. Il sera ensuite présenté le lendemain au vote de tous les sénateurs.

Aussitôt le texte déposé, le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a affirmé à l'AFP qu'il n'était "pas question que le Sénat puisse prêter la main à ce genre de manoeuvre politicienne".

"Nous y sommes fortement opposés. D'abord c'est un amendement, ce qui permet au gouvernement de passer sous le radar du Conseil d'Etat, et en dehors d'une discussion parlementaire approfondie", a-t-il dit. "Ensuite, pour l'élection présidentielle qui est la clé de voûte de nos institutions, on ne peut pas faire les choses à la va-vite".

"Un vote par anticipation est totalement opposé à la tradition française (...) c'est un amendement stupéfiant qui montre la légèreté du gouvernement sur les principes démocratiques", a conclu M. Retailleau.

Même tonalité chez les centristes, dont le chef de file Hervé Marseille a qualifié l'amendement "d'Ovni". "Tout le monde est à peu près convaincu qu'il faut repousser ce machin-là", a-t-il poursuivi auprès de l'AFP. "La majorité sénatoriale ne va pas déférer à un texte comme celui-là, dans les conditions dans lesquelles ça arrive. Ce n'est même plus du mépris".

"Soyons vigilants face aux manoeuvres de #LREM qui sournoisement souhaite (encore) changer les règles", a renchéri sur Twitter la sénatrice LR Valérie Boyer.

Le député ex-LREM Matthieu Orphelin s'est pour sa part déclaré favorable au vote par anticipation mais "dans des vrais isoloirs et urnes, pas sur des machines à voter".

Florian Philippot (ex-FN) a lancé sur Twitter: "Alerte fraude !" "La semaine avant le scrutin, les électeurs iraient dans un bureau équipé d'une machine à voter, le dépouillement aurait lieu le dimanche. Quel besoin de faire ça sinon frauder ?!"

Le sujet s'est invité mardi soir dans l'ultime débat au Sénat sur le report des élections régionales et départementales.

"Il est impossible que vous mainteniez cet amendement, je veux croire qu'il sera retiré", a lancé Philippe Bas (LR) à l'adresse de la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa. La ministre s'est "concentrée" sur le texte en discussion, sans aborder l'amendement qui fait polémique.

À gauche, Cécile Cukierman (CRCE à majorité communiste) a exprimé "une surprise au départ, mais finalement une colère".

"Sur les évolutions en matière de processus électoraux, il faut faire très attention (...) à ne pas donné l'impression qu'au nom de favoriser le vote on s'arrange avec la règle", a-t-elle mis en garde.

(avec AFP)