Oradour-sur-Glane: un procureur allemand mène son enquête à Strasbourg

30 juin 2016 à 6h47 par Rédaction Alouette

ALOUETTE

Soixante-dix ans apr�s le massacre d'Oradour-sur-Glane, un procureur allemand s'est rendu en Alsace pour tenter de faire progresser son enqu�te, en fouillant notamment mercredi � Strabourg dans les archives d'une association de "malgr�-nous", ces Alsaciens incorpor�s de force dans les troupes allemandes.

Sans s'avancer sur le nombre de personnes qui pourraient �tre jug�es en Allemagne si ses investigations devaient aboutir, le procureur de Dortmund, Andreas Brendel, a expliqu� qu'il s'agirait d'Allemands et non d'Alsaciens, alors que la question des malgr�-nous reste tr�s sensible en Alsace.

Le procureur de Dortmund a d�j� � son actif plusieurs enqu�tes � l'encontre de criminels nazis - tels que l'ex-gardien d'Auschwitz, Reinhold Hanning, condamn� � 5 ans de prison le 17 juin.

Sur Oradour, il a longtemps concentr� ses efforts sur Werner Christukat, ancien SS inculp� en janvier 2014, qui a b�n�fici� d'un non lieu en d�cembre 2014 faute de preuve, confirm� en appel en juin 2015.

- "Le sang doit couler" -

Le 10 juin 1944, 642 personnes, dont plus de 450 femmes et enfants, avaient �t� enferm�es et br�l�s vives par les SS dans une �glise de ce village de Haute-Vienne.

Les investigations avaient �t� relanc�es en octobre 2010, apr�s la d�couverte par un historien d'un document tir� d'une enqu�te de la Stasi, la police secr�te est-allemande. Il apportait notamment le t�moignage d'un ancien SS pr�sent � Oradour, r�v�lant cette phrase lanc�e aux troupes par l'un des chefs avant la tuerie: "Aujourd'hui, le sang doit couler".

C'est �galement un livre, "Entre deux fronts, les incorpor�s de force alsaciens dans la Waffen SS" de Nicolas Mengus et Andr� Hugel, qui a orient� le procureur allemand vers des proc�s-verbaux d�tenus au si�ge strasbourgeois de l'Association des D�serteurs, �vad�s et Incorpor�s de Force (ADEIF).

Ces proc�s-verbaux sont ceux d'interrogatoires et de t�moignages recueillis pour le proc�s qui s'est tenu en 1953 devant un tribunal militaire � Bordeaux.

Au cours de ce proc�s, 21 soldats avaient �t� jug�s pour leur participation pr�sum�e � la tuerie, dont une majorit� de Fran�ais d'Alsace enr�l�s de force dans l'arm�e allemande. Les Fran�ais avaient ensuite �t� amnisti�s au nom de la r�conciliation nationale.

Ce sont notamment ces documents que M. Brendel a demand� � consulter mercredi, lors de cette visite qui constitue un acte d'enqu�te et non une perquisition, a-t-il insist�.

Il �tait accompagn� par un major de la gendarmerie fran�aise, appartenant � l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanit�, les g�nocides et les crimes de guerre, cette visite se d�roulant dans le cadre d'une demande d'entraide p�nale internationale adress�e par l'Allemagne � la France.

"Nous avons trouv� des documents d'archives que nous cherchions et qui compl�tent ce que nous avions d�j', a expliqu� M. Brendel, soulignant qu'il �tait trop t�t pour savoir si ces document feraient progresser l'enqu�te.

- T�moignages non retrouv�s -

Le temps �coul� depuis les faits complique fortement sa t�che. "Certaines personnes qu'on soup�onne d'avoir particip� sont d�j� mortes et beaucoup de t�moins aussi, c'est pour cela qu'il faut se fonder sur des documents", a-t-il expliqu�, soulignant que ces documents n'auraient toutefois "jamais la m�me valeur qu'une personne qui t�moigne directement au tribunal".

Les enqu�teurs doivent d'ailleurs entendre jeudi un Alsacien �g� de 90 ans et une femme r�sidant en Moselle.

L'historien Nicolas Mengus, pr�sent lors de la consultation des archives, a indiqu� que les enqu�teurs avaient trouv� � Strasbourg "dix documents qu'ils n'avaient pas". "Mais il y a des d�positions et des t�moignages qu'on n'a pas retrouv�s", a-t-il constat�, soulignant que ses propres recherches remontaient � environ 10 ans.

"Ce qui nous inqui�te c'est qu'une fois de plus, on refasse le proc�s de Bordeaux, o� on n'a accus� que des deuxi�mes classes, des lampistes. On a toujours prot�g� les hauts grad�s", a dit G�rard Michel, secr�taire g�n�ral de l'ADEIF, choqu� par la pr�sence du procureur allemand dans ses locaux.

"Avant d'envoyer une enqu�te allemande dans les locaux de l'ADEIF � Strasbourg, n'e�t-il pas mieux valu qu'une haute autorit� allemande vienne publiquement demander le pardon pour l'incorporation de force (des Alsaciens) ?", s'est interrog�e l'association.

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(AFP)