Panique à bord : le bain gelé de Raphaël Dinelli

30 novembre 2020 à 6h30 par Julia Maz-Loumides

Le Vendée Globe n’est pas surnommé l’Everest des mers pour rien. Toutes les semaines, découvrez une histoire qui fait la légende de la plus grande course au large du monde. Aujourd’hui, retour sur la douche froide de Raphaël Dinelli et son sauvetage au bord de la mort.

ALOUETTE
Raphaël Dinelli a participé quatre fois au Vendée Globe.
Crédit : Wikimédia Commons / Bpat85

Avec quatre participations au Vendée Globe, Raphaël Dinelli est l’un des plus fervents participants de la course. À deux reprises, il est contraint à l’abandon, en 1996 et 2000, mais le skipper n'a pas lâché l’affaire et comptait bien terminer ce tour du monde en solitaire lors de deux autres éditions, en 2004 à la 12e position, puis en 2009, sa dernière participation, lors de laquelle il finit 10e. Mais le marin aurait pu ne jamais courir sur ces trois derniers Vendée Globe. En 1996, lors de la 3e édition de la mythique course, Raphaël Dinelli se retrouve coincé sur son bateau éventré et manque de finir ses jours au fond de l’océan Indien.

Une mer déchaînée

Pour cette 3e édition du Vendée Globe, Raphaël Dinelli récupère le Crédit Agricole IV de Philippe Jeantot, avec le soutien de l’association Deux mains pour les enfants, et de la société Prémac. Mais le navire nécessite de nombreuses réparations et le skipper, benjamin de la course à 28 ans, n’est pas prêt à temps pour terminer les 2 000 miles de qualification. La Fédération française de voile ne l’autorise pas à participer à la course. Pourtant, le 3 novembre 1996, le Crédit Agricole IV, renommé Algimouss, est sur le départ. Son propriétaire, désormais appelé "Le Pirate", a fait appel de la décision et compte bien quitter les Sable d’Olonne en même temps que ses concurrents.

C’est au petit matin du 25 décembre qu’une tempête fait rage au cœur de l’océan Indien, dépassant les 70 nœuds. Raphaël Dinelli rentre dans son cockpit après un tour de vérification quand il sent son bateau chavirer. À cet instant, le mât se brise et perfore le pont à plusieurs reprises. Trois des six cloisons étanchent cèdent : Algimouss commence à se remplir d’eau gelée. Le skipper enfile sa combinaison de survie, se saisit de quelques denrées et sort de la cabine dans laquelle il ne peut plus rester tant l’eau monte. À l’aide de son harnais, le marin s’accroche à son navire. Debout sur le pont, il est fouetté par les déferlantes tandis que l’eau glaciale s’engouffre de plus en plus. Bientôt, l'océan recouvre doucement le pont sur lequel se tient le skipper depuis maintenant de nombreuses heures.

Le sauveur

Les balises de détresse de Raphaël Dinelli sont activées. L’organisation contacte tour à tour les skippers les plus proches mais ce sont plusieurs jours de route qui les séparent du naufragé. Pete Goss, à bord de son Aqua Quorum, est le seul marin en mesure de lui porter secours. Le britannique affronte lui-même la terrible tempête, chavirant également à plusieurs reprises, jusqu’à se mettre en danger, pour tenter de localiser son concurrent.

À 20 h, le 26 décembre, un avion de la marine australienne survole le radeau en dérive et largue deux canots de survie. Raphaël Dinelli n’y trouve aucune nourriture. Alors, dans un dernier acte de survie, il retourne dans son bateau pour attraper une caisse de denrées et saute dans un des deux canots tandis que l’épave sombre définitivement. C’est ce même avion qui, le lendemain, guide Pete Goss dans l’océan jusqu’au naufragé. Dans son radeau de fortune, le skipper français est affamé, assoiffé et dans un état critique d’hypothermie, après 36 h de dérive au sud-ouest de l’Australie.

Pete Goss hisse son concurrent à bord de l’Aqua Quorum et suit les indications du médecin de la course : lui ôter ses vêtements et le réchauffer, corps à corps dans le duvet, pendant une douzaine d’heures. Raphaël Dinelli n’est même pas en capacité de tenir une tasse et son sauveur doit lui donner du thé chaud à la pipette. Pendant douze jours de lente rémission, les deux compagnons font route ensemble vers le port de Hobart, en Australie, où le benjamin de la course est pris en charge. Pete Goss de son côté reprend la mer et termine cette 3e édition du Vendée Globe à la 5e place.

Cette même édition est marquée par la disparition du canadien Gerry Roufs, en janvier 1997 à 43 ans, entre la Nouvelle-Zélande et le continent sud-américain, la mer ne rendra jamais son corps.