Saint-Nazaire : le porte-avions successeur du "Charles-de-Gaulle" sera construit aux Chantiers de l’Atlantique

9 décembre 2020 à 7h38 par Julia Maz-Loumides

Le nouveau porte-avions français sera nucléaire et devrait livrer ses premiers essais en 2036. Il sera construit par Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire : seul lieu assez grand pour ce navire imposant.

ALOUETTE
Le Charles-de-Gaulle aux côtés de l'USS Enterprise, premier porte-avions nucléaire du monde.
Crédit : Wikimédia Commons | U.S. Navy | Mate Airman Doug Pearlman

Emmanuel Macron a annoncé ce mardi 8 décembre que le futur porte-avions français, remplaçant du Charles-de-Gaulle, sera nucléaire. Le choix de ce mode de propulsion est plus coûteux à construire que le diesel mais permet davantage d'autonomie et surtout de maintenir des compétences dans les réacteurs embarqués, essentiels à la dissuasion. Est-ce un deuxième porte-avions ? Non. Le Charles-de-Gaulle, entré en service en 2001, arrivera en fin de vie en 2038. Le futur porte-avions devra, lui, "être à la mer pour ses premiers essais en 2036" afin de pouvoir lui succéder, selon la ministre des Armées Florence Parly.

Il sera construit par Naval Group et les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, seul chantier naval en France à disposer d'une "forme" suffisamment grande pour bâtir un navire de cette taille. Depuis le retrait du service du Clemenceau et du Foch, la question d'un deuxième porte-avions revient de manière lancinante. Il permettrait d'assurer une permanence à la mer du groupe aéronaval mais la question est sans cesse repoussée pour raisons budgétaires.

300 mètres de long

Le futur porte-avions sera beaucoup plus massif que l'actuel. Il fera 75.000 tonnes pour environ 300 mètres de long, contre 42.000 tonnes pour 261 mètres pour le Charles-de-Gaulle, soit davantage que les deux porte-aéronefs britanniques, moins que les onze porte-avions américains. Il sera en effet amené à embarquer 30 futurs avions de combat Scaf, plus gros et plus lourds que les Rafale auquel ils succèderont. Son équipage sera composé de 2.000 marins.

Dépendante des Américains dans ce secteur, la France devrait elle aussi adopter les catapultes électromagnétiques, plus longues que les actuelles et capables de propulser des avions plus lourds.Le navire devra en outre disposer de réserves d'espace, pour accueillir éventuellement de nouveaux armements, notamment des armes à énergie dirigée, et des drones.

Le coût de développement et de construction "sera très certainement supérieur à 5 milliards d'euros", estiment les sénateurs Olivier Cigolotti et Gilbert Roger auteurs d'un rapport sur la question en juin. Si le coût de construction du porte-avions nucléaire est supérieur à celui d'un porte-avions à propulsion diesel, son coût de fonctionnement sera "plutôt inférieur", selon la cabinet de Mme Parly. Environ 900 millions d'euros seront consacrés aux études techniques et d'esquisse d'ici à la fin 2025 quand débutera sa construction, dont 117 millions en 2021.

La question du nucléaire 

Les chaufferies nucléaires offrent une autonomie accrue et permettent un gain de place en soute : le Foch et le Clemenceau utilisaient chacun 800 tonnes de carburant par jour et devaient ravitailler à la mer tous les deux ou trois jours. Cela imposait "une interruption de l'activité aérienne pendant plusieurs heures ainsi qu'une route de ravitaillement déterminée par les conditions météo du moment, ce qui était un renseignement de choix pour un adversaire potentiel", explique l'amiral Edouard Guillaud, ancien chef d'état major interarmées, dans une note de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Le Charles-de-Gaulle n'a besoin d'être ravitaillé en carburant d'aviation, vivres et munitions, que tous les dix jours.

Plus coûteux que la propulsion diesel, le nucléaire impose en revanche une indisponibilité de près de deux ans tous les dix ans pour changer le combustible. "En matière de conception, le cycle actuellement considéré pour conserver des bureaux d'étude au niveau suffisant est de l'ordre de 15 à 20 ans [...] Au-delà, les équipes d'ingénieurs et de techniciens se délitent et l'effort pour les reconstituer est énorme, souvent difficilement atteignable", justifie l'amiral Guillaud. Pour le sénateur Cédric Perrin, "si on en est là avec l'EPR aujourd'hui (le réacteur civil dont la construction accumule retards et surcoûts, NDLR), c'est parce qu'EDF a perdu la compétence et si on veut que ça n'arrive pas dans la défense, il faut préserver la compétence". Les deux chaufferies du futur porte-avions, conçues par TechnicAtome, seront une évolution, plus puissantes, de celles embarquées dans le Charles-de-Gaulle.

(avec AFP)