Santé : l'espérance de vie plus réduite en campagne qu'en ville, selon une étude

16 décembre 2020 à 15h49 par Arnaud Laurenti

Avec l'épidémie de coronavirus, de nombreux citadins ont rêvé de s'installer à la campagne. Mais des études montrant une espérance de vie moindre des ruraux et un accès aux soins difficile pourraient les en décourager.

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Des résultats "faramineux", "spectaculaires" : interrogé par l'AFP Emmanuel Vigneron, professeur des universités à Montpellier, n'a pas de mots assez forts pour qualifier les conclusions des deux études qu'il a réalisées pour le compte de l'Association des maires de France (AMRF).

L'accès aux soins difficile

Ce spécialiste de l'approche territoriale de la santé démontre dans celle rendue publique mercredi que l'espérance de vie diminue depuis 30 ans à la campagne par rapport à la ville, après avoir révélé dans la première il y a une dizaine de jours que les ruraux accédaient moins aux soins hospitaliers que les citadins.

Deux études qui donnent une image pas vraiment bucolique de la campagne: "Il vaut mieux que les citadins qui se disent qu'il serait chouette d'habiter à la campagne et d'y télétravailler ne mythifient pas trop le gazouillis des oiseaux", prévient-il.

Son avertissement aux néo-ruraux potentiels se fonde sur "des inégalités qui se creusent dans le domaine de la santé" entre les habitants des villes et ceux de la campagne depuis une trentaine d'années, une tendance qui s'est même renforcée après la crise financière de 2008.

Deux ans d'espérance de vie en moins

Son étude sur l'espérance de vie à la naissance, réalisée à partir de données statistiques de l'Insee, révèle que "les habitants du rural vivent deux ans de moins que ceux des villes".

"Le différentiel entre les zones les plus profondément rurales et les zones les plus densément peuplées ne cesse de se creuser au fil des ans", explique l'auteur de "La santé au 21e siècle", aux éditions Berger-Levrault.

Selon ses résultats, les hommes sont les plus mal lotis avec 2,2 ans de moins d'espérance de vie à la naissance, contre 0,9 ans chez les femmes.

"L'espérance de vie en prend un coup parce que l'on consomme moins (de soins) et on consomme plus tard. Il y a moins de médecin, les maladies peuvent devenir graves", prévient-il.

Les ruraux attendent trop longtemps

Dans sa première étude, M. Vigneron avait également conclu que les habitants du monde rural consommaient 20% de soins hospitaliers en moins que "ceux des villes".

"Pourquoi on consomme moins de soins ? Parce qu'on est loin, parce qu'on a moins d'informations, parce qu'il y a moins de médecins", assure-il.

Pour Dominique Dhumeaux, 1er vice-président de l'AMRF et maire de Fercé-sur-Sarthe, localité de 600 habitants située dans le département de la Sarthe, ces études confirment "une réalité" qu'il perçoit sur le terrain et que les maires ruraux ont du mal à faire comprendre aux autorités.

"Cela démontre, hélas, qu'à force d'être éloignés de l'accès aux soins, les gens ne vont plus ou vont moins chez le médecin ou, quand ils y vont, trop tard", regrette M. Dhumeaux.

Il craint d'ailleurs que la dégradation ne se poursuive au cours des prochaines années avec l'augmentation des déserts médicaux en raison de nombreux départs à la retraite des généralistes.

"Il est évident que dans les trois ou quatre ans, les chiffres démontreront que l'espérance de vie se sera encore dégradée à la campagne par rapport à la ville", prévoit-il, assurant que le but de cette étude est "d'alerter les politiques" sur la situation de la santé dans les zones rurales.

M. Vigneron espère, pour sa part, que ses études "servent à poser les problèmes un peu différemment et à les traiter".

Et, souligne-t-il, "je serais ravi que les agences régionales de santé (ARS), dont la mission consiste à réduire les inégalités et à lutter contre elles, s'emparent du sujet pour développer des politiques de prévention particulières à la campagne".

(avec AFP)