À Angers, l’urine humaine recyclée pour fertiliser les cultures

Publié : 28 août 2025 à 9h04 par
Tom Briot - Journaliste

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Transformer l’urine humaine en alternative aux engrais chimiques : c’est le pari un peu fou, mais très sérieux, de Label Verte, une entreprise angevine.

Pipinière
Nicolas Audigane, chargé de développement chez Label Verte.
Crédit : Alouette | DR

L’équipe de Label Verte, entreprise spécialisée dans la valorisation des matières organiques, expérimente depuis 2023 des toilettes très particulières dans ses locaux à Angers.

Nicolas Audigane, chargé de développement de la société, en dit plus, au micro d'Alouette, sur ce projet appelé "La Pipinière" : "L'objectif, c'est de collecter l'urine humaine pour la valoriser en agriculture. Ce qui veut dire la collecter de façon simple, dans des toilettes un peu plus techniques que des toilettes standards, mais qui collectent juste les urines. Les matières fécales, elles, continuent à aller à l'assainissement."

Ces toilettes spécifiques permettent donc de séparer les flux et de transformer une ressource considérée comme un déchet en engrais naturel.

 

Une cuvette adaptée, pour isoler et récupérer l'urine | Alouette DR

 

Une alternative aux engrais chimiques

Pour Nicolas Audigane, ce projet est aussi une manière de sensibiliser les professionnels à l’existence d’une ressource locale : "On leur dit qu’ils utilisent potentiellement chaque jour des produits chimiques qui viennent de Russie, d'Ukraine, alors qu’ils ont une richesse locale qui permettrait de fertiliser leurs cultures […] et donc, on recrée une certaine circularité des nutriments présents dans nos urines en les valorisant comme le faisaient nos ancêtres jusqu'à très récemment".

 

Où trouver l’urine ?

Mais concrètement, comment récolter cette ressource ? L’entreprise a trouvé une solution simple et locale.

"On a 20 personnes par jour qui viennent travailler dans notre espace de coworking, en plein centre-ville d'Angers. L'urine qui est collectée dans nos toilettes spécifiques est stockée ici dans des cuves avant d’être envoyée dans les jardins ou chez des agriculteurs pour être valorisée."

 

Cuve de stockage et de récuprération d'urine | Alouette DR

 

Des réactions globalement positives

Si le projet peut surprendre, il suscite surtout curiosité et intérêt, comme le confie le chargé de développement de Label Verte : "Simplement le nom, "la pipinière", ça interpelle, et donc c'est déjà gagné parce qu'on fait parler les gens, on les fait rigoler. Et dès lors qu'on fait rigoler, on a déjà mis un bon pied dans la porte et ça permet d'avoir un peu plus de pédagogie. […] On a énormément de retours positifs, surtout des professionnels du monde agricole mais également des particuliers."

Pour encadrer ce projet, Label Verte s’est appuyée sur deux laboratoires de recherche : Astredhor, un organisme spécialisé dans la recherche appliquée agricole, et Ocapi, un programme de recherche de l’école des Ponts et Chaussées à Paris, qui étudie l’utilisation des urines dans la transition énergétique et environnementale.

Le projet suit également des règles sanitaires précises : un temps de stockage minimum d’un mois avant utilisation en pépinière, et six mois pour le maraîchage, afin de réduire la concentration en ammoniaque.

Au-delà de l’aspect insolite, les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’urine d’un seul adulte sur une année, peut fertiliser près de 500 m² de champs de blé. De quoi montrer que cette ressource, souvent négligée, pourrait bien devenir une solution d’avenir face aux défis agricoles mais aussi face aux fortes sècheresses de plus en plus fréquentes l'été.