Afghanistan : tirs meurtriers à l'aéroport de Kaboul, où les Américains pourraient prolonger leur présence

23 août 2021 à 9h43 par Arnaud Laurenti

Des soldats américains et allemands ont été impliqués dans un échange de tirs avec des inconnus lundi à l'aéroport de Kaboul, où le président Joe Biden pourrait accepter de maintenir des troupes au-delà de la date prévue du 31 août.

Aéroport Kaboul
Crédit : Ambassade de France à Kaboul | Twitter

Un garde afghan a été tué et trois blessés dans un affrontement avec des assaillants non identifiés en début de matinée à l'aéroport, et des soldats allemands et américains ont pris part à "des échanges de tirs ultérieurs", a indiqué l'armée allemande sur Twitter.

Plusieurs personnes avaient déjà été tuées dans des circonstances souvent mal élucidées autour de l'aéroport, où se poursuivent de laborieuses opérations d'évacuation. Face aux difficultés rencontrées, M. Biden a ouvert la porte à une extension de la présence américaine sur place après la fin août.

"Il y a des discussions en cours entre nous et l'armée au sujet de la prolongation. Nous espérons ne pas avoir à prolonger, mais il y aura des discussions, je suppose, sur l'état d'avancement du processus" d'évacuation, a déclaré le président américain dimanche soir.

Des milliers de personnes évacuées

Depuis leur prise du pouvoir en Afghanistan le 15 août, les talibans tentent de convaincre la population qu'ils ont changé et que leur régime sera moins brutal que le précédent, entre 1996 et 2001. Mais cela n'endigue pas le flot de ceux qui ne croient pas en leurs promesses et veulent partir.

Plus de 30 000 personnes ont été évacuées par les Américains depuis le 14 août, a indiqué dimanche la Maison Blanche, alors que Washington espère exfiltrer jusqu'à 15 000 Américains mais aussi 50 000 à 60 000 Afghans et leurs familles.

Des milliers d'étrangers d'autres nationalités, mais aussi des Afghans menacés ou ayant travaillé pour les alliés, ont également été évacués par les puissances occidentales, ou sont en attente d'évacuation. L'Allemagne a ainsi par exemple exfiltré plus de 2 500 personnes et le Royaume-Uni plus de 5 700.

La veille, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait jugé "impossible" d'évacuer toutes les personnes en attente à Kaboul avant le 31 août.

Devant l'urgence de la situation, Washington a réquisitionné les avions de plusieurs compagnies aériennes privées afin d'aider à l'évacuation. Ces avions ne décolleront pas de l'aéroport de Kaboul mais aideront à transporter les personnes ayant été évacuées vers des pays tiers, comme le Qatar ou les Émirats arabes unis.

Les rues de Kaboul calmes

Les images de gens écrasés dans la mêlée, de jeunes hommes accrochés au fuselage d'un avion américain sur le départ, ou de ce bébé passé à bout de bras au-dessus d'un mur à des soldats américains, ont sidéré le monde.

Le président Biden a reconnu la douleur provoquée par ces scènes. Mais "il n'y a aucun moyen d'évacuer autant de gens, sans causer de peine ni de pertes, ni les images déchirantes que vous voyez", a-t-il estimé.

Espérant toujours un miracle, des familles demeurent massées entre les barbelés qui entourent le périmètre séparant les talibans des troupes américaines, et l'accès à l'aéroport reste très difficile.

M. Biden a expliqué que ce périmètre avait été étendu, avec l'accord des talibans. "Nous avons fait un certain nombre de changements,y compris en étendant l'accès autour de l'aéroport et dans la zone sécurisée" et les islamistes ont été "coopératifs", a-t-il déclaré.

Un haut responsable taliban, Amir Khan Mutaqi, a toutefois fait reposer dimanche la responsabilité du chaos à l'aéroport sur les États-Unis et prévenu que cela ne pourrait durer très longtemps.

"L'Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements (...), a échoué à ramener l'ordre à l'aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n'y a que le chaos à l'aéroport de Kaboul (...) Cela doit cesser le plus tôt possible", a-t-il averti.

Dans les rues de Kaboul, la situation est en effet restée plutôt calme, des combattants talibans en armes patrouillant les rues de la capitale et tenant des postes de contrôle.

Si aucun gouvernement n'a encore été instauré, les discussions se poursuivant avec des personnalités afghanes pour le rendre "inclusif", les talibans ont tout de même tenté d'affirmer leur autorité.

Poche de résistance

Ils ont ainsi remplacé sur tous les bâtiments publics le drapeau national tricolore par leur drapeau blanc, orné en noir d'une profession de foi islamique et du nom officiel de leur régime: l'Émirat islamique d'Afghanistan.

"Notre but c'est de diffuser le drapeau de l'Émirat islamique partout en Afghanistan", a déclaré ce weekend à l'AFP Ahmad Shakib, un étudiant en économie qui vendait des drapeaux talibans à un carrefour de Kaboul.

Les talibans sont entrés le 15 août à Kaboul sans rencontrer de résistance, à l'issue d'une offensive éclair entamée en mai à la faveur du début du retrait des forces américaines et de l'Otan.

Mais une poche de résistance s'est formée dans la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul, longtemps connue comme un bastion anti-taliban, autour du Front national de résistance (FNR), emmené par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud assassiné en 2001 par Al-Qaïda.

Dimanche, des comptes Twitter pro-talibans ont annoncé que "des centaines de moudjahidine de l'Émirat islamique" se dirigent vers le Panchir, seule zone échappant encore à leur contrôle, "après que des responsables locaux ont refusé de le remettre de façon pacifique".

Les islamistes "ont massé des forces près de l'entrée du Panchir", a confirmé sur Twitter Amrullah Saleh, vice-président sous le précédent gouvernement, qui s'est lui aussi réfugié dans la vallée pour les combattre.

De son côté, un porte-parole du FNR, Ali Maisam Nazary, a déclaré à l'AFP que le Front se préparait à "un conflit de longue durée" avec les talibans, si un compromis ne pouvait être trouvé avec eux sur un système de gouvernement décentralisé.

Selon lui, des milliers d'Afghans ont rejoint le Panchir pour combattre le nouveau régime ou simplement pour y trouver refuge. "Nous sommes prêts à défendre l'Afghanistan et nous mettons en garde contre un bain de sang", a déclaré dimanche M. Massoud à la chaîne Al-Arabiya.

 

(avec AFP)