Mort de Steve à Nantes : le commissaire de police admet ne pas avoir "tout maîtrisé"
Publié : 13 juin 2024 à 8h05 par Joséphine Point avec AFP
Le procès du commissaire Grégoire Chassaing, jugé pour homicide involontaire dans la noyade de Steve Maia Caniço à Nantes en 2019, continue jusqu'à ce vendredi 14 juin.
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Au troisième jour d'audience au tribunal correctionnel de Rennes, le commissaire de police Grégoire Chassaing a pu détailler le déroulé de la soirée du 21 juin 2019 au cours de laquelle plusieurs personnes sont tombées dans la Loire, dont Steve, qui périra noyé à l'âge de 24 ans.
Arrivé en poste à Nantes en 2015, le fonctionnaire, 54 ans, a expliqué à la barre avoir l'habitude des situations difficiles pour avoir été en service lors d'une soixantaine de manifestations ayant dégénéré dans la ville.
Comme lors des éditions précédentes de la fête de la musique, il était chargé d'appliquer la coupure de la musique à 4h des "sound systems" installés par des DJ sur un quai de la Loire. Les huit premiers DJ coupent le son sans difficultés. Au neuvième, vers 4h20, "on est arrivé à trois (policiers), on a abordé ce sound system comme les huit autres", explique le commissaire. "J'ai rappelé la règle, je leur ai dit qu'il n'y aurait pas de musique supplémentaire."
La musique est coupée, mais une fois repartis vers le dernier sound system, le DJ remet le son et le commissaire y voit une "provocation". Grégoire Chassaing dit alors à ses équipes "on va s'organiser et on va y retourner". La présidente Marianne Gil l'interroge sur le sens de ce message. "C'était pour signifier une difficulté, en aucun cas c'était 'on s'équipe et on va en découdre'", affirme le fonctionnaire.
Un "nuage de lacrymo"
Peu après surviennent des jets de projectiles de teufeurs mécontents. "Je n'ai jamais subi une telle violence, une telle attaque imprévisible, arrivée d'un seul coup. C'était la sidération", a-t-il dit, rappelant qu'il n'était pas casqué.
Se sentant menacés et assurant être en état de légitime défense, ses hommes ont alors riposté en tirant de nombreuses grenades lacrymogènes.
"Est-ce que vous faites un lien entre l'action policière et les chutes ?", interroge la présidente. Situé derrière un bunker, "je n'ai pas vu le nuage de lacrymo, je n'ai pas vu la bousculade, les mouvements de foule, tout ça s'est passé dans la pénombre", lui répond Grégoire Chassaing, combatif à la barre.
L'enquête a permis de déterminer que la chute de Steve avait eu lieu à un endroit du quai sans barrière à 4h33 et 14 secondes, soit deux minutes après les premiers tirs de grenades des policiers.
"Qui aurait été irréprochable ?"
Persuadé que les renforts de CRS allaient arriver rapidement, le commissaire a fait progresser sa dizaine de policiers sous sa responsabilité sur le quai. "Je n'ai pas tout maîtrisé", a-t-il reconnu, mais "qui aurait été irréprochable dans de telles conditions ?", a-t-il interrogé alors qu'il encourt une peine de trois ans de prison.
"Le commissaire Chassaing n'a pas commis de faute caractérisée. Il a été victime d'une agression. Ses hommes, qui ont lancé des gaz lacrymogènes en réplique à une agression, ne sont pas inquiétés par la justice, parce que la justice considère que c'était de la légitime défense", a déclaré son avocat Me Louis Caillez.
Dans l'après-midi, le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux était venu en personne témoigner en faveur du commissaire, estimant qu'il n'avait commis "aucune faute" et dressant un portrait élogieux du fonctionnaire. Les avocats des parties civiles ont, eux, peu goûté les nombreux témoignages de policiers en faveur du prévenu, dénonçant leur "corporatisme".
Le procès, qui s'achèvera ce vendredi 14 juin, doit se poursuivre ce jeudi avec la fin de l'audition du commissaire, les plaidoiries des avocats des parties civiles et les réquisitions du ministère public.