17 ans de prison pour les parents de Gabin, mort de faim à 22 mois

16 novembre 2019 à 7h33 par Gabriel Macé

À la Cour d'Assises de la Creuse, les parents de Gabin, un enfant de 22 mois mort de faim en 2013, la "peau sur les os", ont été condamnés ce vendredi à 17 ans de réclusion criminelle.

ALOUETTE
Crédit : Archives

Édouard Ruaud, 40 ans, et de Céline Vialette, 34 ans, qui comparaissaient libres depuis mardi pour "privation de soins et d'aliments suivie de mort d'un mineur de 15 ans", ont été incarcérés après la lecture du verdict. "C'est une condamnation lourde, mais pleine de sens (..) on ne peut pas accepter actuellement en France qu'un enfant puisse mourir de faim et de soif", a réagi Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu, seule partie civile.

"C'est vrai qu'on a ces images de Gabin en tête, mais ce que je vois aussi c'est que les choses ont changé pour ces gens (...) Ils se sont remobilisés dans l'intérêt de leur fils aîné", âgé de 13 ans et placé, a déclaré l'avocate des parents, Émilie Bonnin-Bérard, indiquant qu'ils envisageaient de faire appel. Les jurés ont suivi les réquisitions de l'avocat général sur la peine, mais sans ordonner le retrait de l'autorité parentale, qu'il réclamait.

Le 25 avril 2013, lors de sa dernière visite chez le médecin, "Gabin pesait 8,550 kg. Six semaines plus tard, quand il est mort" aux urgences (le 7 juin), "il ne pesait plus que 5,825 kg (...) C'est le poids qu'il faisait à trois mois", avait exposé dans la matinée l'avocat général Bruno Sauvage. Gabin "est mort de dénutrition et de déshydratation aboutissant à une cachexie, c'est-à-dire qu'il n'avait que la peau sur les os, sans masse graisseuse", a-t-il asséné en rappelant les conclusions de l'autopsie.

"Sur le constat de sa mort, on peut lire que Gabin était d'une saleté extrême. Il sentait l'urine. Il avait le bout de la verge nécrosée. Il était d'une maigreur extrême, on pouvait lui compter les côtes", a-t-il poursuivi, en égrainant quelques-uns des détails insoutenables qui ont éprouvé la salle d'audience depuis mardi.

"Carences extrêmement sévères"

"Quatre semaines après la dernière consultation" chez le généraliste, "les parents retournent chez le docteur pour parler des problèmes de couple. Ils ne parlent pas de Gabin. Deux semaines après, il meurt", a-t-il encore accusé. L'affaire, hors-norme, est résumée en trois mots : "oubli, calvaire, souffrance".

A la barre, les experts ont évoqué une "situation de négligences et de carences extrêmement sévères" comme causes de la mort. Mais pour l'avocate des parents, "ils n'avaient pas conscience de leur dysfonctionnement". Tous deux reconnaissent des manquements, mais contestent leur responsabilité dans la mort de leur deuxième fils.

Dans le box des accusés, le père, apathique, la mère, parfois émue aux larmes, ont écouté les descriptions cliniques de la dépouille décharnée de Gabin. Leur avocate est revenue sur leur histoire, "des enfances et des adolescences difficiles" qui ont évolué pour des vies plus "ordinaires". Puis est arrivé le tournant 2012-2013. Les parents - le père ouvrier, encore alcoolique aujourd'hui et dépendant au cannabis, était en arrêt maladie et la mère sans emploi - affirment être à l'époque accaparés par des difficultés de couple et d'argent. La maison est peu à peu laissée à l'abandon. La dépression creuse son nid. "On a affaire à des gens dépassés", a résumé Me Émilie Bonnin-Bérard.

A leur domicile, les enquêteurs trouveront des literies sales, des denrées périmées dans le réfrigérateur, le carnet de santé de Gabin "sous les détritus". C'est de "l'incompétence" parentale, a estimé l'avocate, mais est-ce "pénalement répréhensible ?", s'est-elle interrogée en demandant l'acquittement.

Le médecin traitant bientôt jugé

Le médecin traitant de la famille doit être prochainement jugé en correctionnelle pour "non-assistance à personne en péril" - un "fait rare" selon L'Enfant Bleu. Jeudi, il avait concédé à la barre une "grossière erreur", d'"appréciation". Entendu comme témoin, il avait assuré n'avoir "jamais constaté un quelconque signe de danger" sur l'enfant, qu'il avait vu sept fois entre janvier 2012 et avril 2013. Cette affaire met en lumière le "rôle crucial du médecin dans le repérage des maltraitances", avait déclaré à l'AFP la directrice de l'association, Laura Morin, à l'ouverture du procès.

Aucune mesure d'urgence n'avait également été ordonnée après des signalements anonymes en mai 2013 aux services sociaux, quelques semaines avant la mort de Gabin.

(Avec AFP)