CHU d’Angers : Un carnet de naissance pour laisser des souvenirs aux enfants nés sous X

Publié : 28 mars 2021 à 10h37 par Gabriel Macé

"Il y a un grand néant sur nos origines", confie Caroline. Pour redonner de la mémoire aux bébés nés sous le secret, le service des naissances du CHU d'Angers propose un album de naissance avec un récit photo des premiers moments de la vie.

ALOUETTE
Crédit : Archives

Ce moment, c'est celui qu'il manque à Stéphanie Angélique. Née sous le secret à Dijon en 1974, elle est arrivée à sept mois dans sa famille adoptive avec pour seul bagage les vêtements qu'elle portait. "Pas un doudou, pas une photo, même pas un biberon", témoigne-t-elle.

"Notre but est simplement d'adoucir le manque que peuvent ressentir les personnes nées sous le secret, en essayant de raconter le début de leurs histoires", explique à l'AFP Katia Nardin-Godet, psychologue, à l'initiative de ce projet qui a démarré en février au CHU d'Angers.

"Nous nous posions déjà beaucoup de questions sur la façon dont nous pouvions améliorer la prise en charge de ces naissances. Mais il y a quelques années, le service d'adoption est revenu vers nous car un bébé ne se développait pas bien sur le plan mental. Il nous a demandé s'il s'était passé quelque chose de particulier à la naissance et nous ne savions pas répondre. C'est là que nous avons compris qu'il était très important de garder une trace", souligne la psychologue.

Pour construire une réflexion autour du projet, la psychologue a fait appel à différents professionnels de l'hôpital. "Soignants, pédiatres ou encore psychologue, je ne m'attendais pas à autant d'enthousiasme", explique-t-elle. Pendant deux ans, 50 professionnels issus de tous les métiers étaient réunis en groupe de travail. "Cela a donné des échanges très intéressants avec toujours une idée en tête : faire de la continuité pour le bébé."

Un bébé naît "sous le secret" quand sa mère de naissance a accouché sous X. Environ 600 bébés naissent ainsi chaque année en France. "En 2020, ils étaient près de 500", indique le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP). En 2019, au CHU d'Angers, sur 3.811 naissances cinq bébés sont nés sous le secret.

"Des souvenirs très précieux"

Si au service de néonatalogie du CHU d'Angers, certains professionnels faisaient déjà de petits mots, des photos ou dessins pour les bébés, "le problème, c'est que cela se faisait sur des feuilles volantes et c'était parfois assez maladroit", explique la psychologue.

Caroline Fouques, née sous le secret il y a 26 ans, s'est vue ainsi remettre une vingtaine de photos de son séjour à l'hôpital. "Il y a un grand néant sur nos origines. Avoir ces photos permet de combler un petit peu, ce vide", explique la jeune femme.

"Ces souvenirs m'ont permis de me comparer à ma fille lors de sa naissance, chose que je n'aurais pas pu faire si ces infirmières n'avaient pas pris le temps de me prendre en photo", indique-t-elle. "Ce sont des souvenirs très précieux qui m'ont fait beaucoup de bien".

Selon la CNAOP, entre 5% et 10% de la population concernée entament des démarches pour connaître leurs origines.

Dans les albums proposés au CHU d'Angers, des animaux marins aux visages souriants parcourent les pages, "les bébés sont comme des petits poissons in utero et les soignants aiment s'identifier à la pieuvre ou à l'étoile de mer qui prendraient soins d'eux", souligne la psychologue.

Sur les pages intitulées "Ton premier repas" ou "Ton premier bain", les soignants peuvent y coller des photos, y rajouter des petits mots pour l'enfant qui garde une trace de son passage au CHU.

Néanmoins, ce carnet nécessite une grande attention quant à son utilisation. Livré avec un mode d'emploi, le visage des soignants et de la mère de naissance ne doivent pas être visible. Il en est de même pour les signes distinctifs, rien ne doit être laissé au hasard. L'anonymat doit être préservé.

 

(Avec AFP)