Disparition de Patrick Le Lay, ancien PDG emblématique de TF1  

19 mars 2020 à 7h59 par Alexandrine DOUET

Le breton Patrick Le Lay s’est éteint ce mercredi à l’âge de 77 ans.

ALOUETTE
Patrick Le Lay avait dirigé TF1 pendant 20 ans de 1987 à 2007.
Crédit : DR

À la tête de TF1 pendant 20 ans, Patrick Le Lay, décédé hier a laissé l'image d'un patron énergique mais aux propos controversés.

Artisan de la privatisation de TF1

Entré chez Bouygues en 1981, cet ingénieur en travaux publics natif de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) est nommé trois ans plus tard pour mener la diversification du groupe. Après l'annonce de la prochaine mise en vente de TF1, Patrick Le Lay prépare pendant un an, avec minutie, le dossier de candidature de son employeur, ignorant la rumeur qui donne favorite la maison d'édition Hachette de Jean-Luc Lagardère. Lorsque Bouygues rafle la mise (nous sommes alors en 1987), ce Breton austère découvre les moeurs flamboyantes de la télévision, très éloignées de celles du BTP. La plupart des stars quittent TF1 pour la Cinq, le navire tangue.

Peu à peu, avec le vice-président du groupe Étienne Mougeotte, il redresse la barre et transforme TF1 en machine à faire de l'audience et engranger les recettes publicitaires. La chaîne s'installe comme leader incontesté de la télévision en France, une position qu'elle conserve encore aujourd'hui malgré une concurrence démultipliée.

Grâce à une gestion rigoureuse et un incontestable savoir-faire en matière de programmation, privilégiant les programmes populaires et réservant une place de choix à la télé-réalité, il laisse en 2007 à son successeur Nonce Paolini une société en excellente forme financière, réalisant une part d'audience de 31,6%.

"Temps de cerveau disponible"

Au sein de la rédaction, c'est "un homme de poigne" dont les seuls contacts avec les journalistes de base ont eu lieu "pendant l'existence éphémère de la Société des journalistes", rapporte un ancien journaliste de TF1. Aux protestations de la SDJ après la coupure brutale par la publicité, d'une conversation entre deux Prix Nobel lors d'un 20H00 en octobre 1992, il répond par le poétique: "Je me fous de vos cartes de presse. Aujourd'hui, même les putes sont encartées". Et personne n'a oublié ses paroles sur "le temps de cerveau disponible" ("Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible"). Des déclarations sorties de leur contexte, s'était-il ensuite défendu.

Les erreurs de jugement de Patrick Le Lay sont peu nombreuses. Mais en 2002, il jugeait "quasi nulles" les chances de succès de la télévision numérique terrestre (TNT), qu'il qualifiait de projet "marxiste". TF1 a donc fait des débuts timides dans la TNT, privilégiant au départ la télévision payante avec TMC rachetée avec AB Groupe et NT1 (devenue TFX). Le groupe français laisse également passer en 2003 l'occasion de s'implanter en Allemagne, lors du démantèlement de l'empire de Leo Kirch. Enfin, dans la lutte qui l'opposait à Canal+ dans le domaine de la télévision payante, c'est Canal+ qui a remporté la mise en rachetant fin 2005 TPS, l'ancien bouquet satellitaire détenu alors majoritairement par TF1.

Sa gestion sera seulement mise en cause lorsqu'il est personnellement condamné en appel, en 2013, pour avoir abusé des contrats à durée déterminée de mai 2002 à mai 2003, une première pour un patron de l'audiovisuel français. Après son départ de TF1 en 2010, Patrick Le Lay s'était allié avec son ami François Pinault et dirigé le fonds d'investissement Serendipity spécialisé dans les paris sportifs. Très attaché à la Bretagne, il avait aussi présidé le club de football du Stade Rennais de 2010 à 2012. Il avait également été à l'origine du lancement de la chaîne TV Breizh en septembre 2000 à Lorient.

Patrick Le Lay était le père de Laurent-Éric Le Lay, l'actuel directeur des sports du groupe France Télévisions.

De nombreuses personnalités lui rendent également hommage : le PDG du groupe M6 Nicolas de Tavernost, Jean-Pierre Foucault ou encore Pierre Lescure.

(Avec AFP)