Mise à l’eau du maxi-trimaran d’Armel Le Cléac'h : "C’est un événement important dans le monde de la course au large"

27 avril 2021 à 9h27 par Marie PIRIOU

En voile, la mise à l’eau ce mardi à Lorient (56) du nouveau bateau d’Armel Le Cléac’h. La construction du maxi trimaran Banque Populaire XI a duré deux ans. De nombreux défis attendent le bateau et son skipper finistérien. Rencontre.

ALOUETTE
Armel Le Cléac'h
Crédit : @V.CURUTCHET - BPCE

C’est un jour important pour Armel Le Cléac’h. Son tout nouveau bateau, le maxi-trimaran Banque Populaire XI, long de 32 mètres, va être mis à l’eau ce mardi à Lorient (56). Nous nous sommes entretenus avec le skipper finistérien de St-Pol-de-Léon.

Quel est votre sentiment à quelques heures de la mise à l’eau de votre nouveau maxi-trimaran Banque Populaire XI ?

Il y a de l’impatience et puis aussi de la concentration pour bien terminer les derniers préparatifs. C’est un bateau dont la construction a commencé il y a plus de deux ans à Lorient. Je suis très heureux de le sortir aujourd’hui du hangar et de le dévoiler enfin au public. Impatient surtout de le voir flotter tout à l’heure.

Il y avait eu de la casse sur la Route du Rhum en 2018. Avez-vous une certaine appréhension malgré tout ?

C’est vrai qu’en 2018 on avait vécu un accident douloureux avec la casse du bateau. On s’est nourri de cet accident et de cette expérience pour progresser et améliorer la sécurité de ce nouveau bateau. Aujourd’hui, on va d’abord avoir une période de tests en mer pour prendre en main le bateau et pour le tester dans toutes les conditions avant de prendre le départ de la Route du Rhum l’année prochaine. Ce sera le grand rendez-vous sportif pour moi en solitaire. D’ici là, il y aura beaucoup d’entraînements et beaucoup de navigation. Il y aura notamment cette année la participation à la Transat Jacques-Vabre en double avec Kevin Escoffier qui sera mon co-skipper.

Y.Zedda - BPCE

Quelles sont les spécificités de ce nouveau maxi-trimaran ?

C’est d’abord une vraie évolution au niveau de la sécurité. On a bien progressé par rapport à l’expérience vécue en 2018. On a notamment mis sur l’ensemble du bateau de la fibre optique qui va nous permettre de pouvoir suivre en permanence comment le bateau travaille et comment est utilisé le bateau dans toutes les conditions pour éviter d’aller dans des zones un peu limites et de casser du matériel. On a bien sûr travaillé aussi sur la performance pour essayer de progresser par rapport à 2018. Les foils aussi ont évolué, ils sont aujourd’hui plus grands et plus performants. Pleins d’éléments mis bout à bout qui font qu’aujourd’hui Banque Populaire XI est un bateau nouvelle version que j’ai hâte de tester justement pour voir un petit peu son potentiel.

Ce nouveau bateau est-il moins fragile que le précédent ?

Il n’est pas forcément moins fragile. C’est surtout qu’aujourd’hui il bénéficie d’une structure différente. En 2018, c’était un choc avec un OFNI qui avait engendré une casse du bateau. Cette structure a été doublée à certains endroits importants et exposés du bateau pour qu’en cas de chocs avec des OFNI, ce qui pourra éventuellement arriver même si aujourd’hui les systèmes qu’on embarque s’améliorent dans ce sens pour essayer de détecter ces OFNI, on aura la capacité de préserver la structure du bateau. Et donc de pouvoir envisager une réparation en mer ou de décider de rentrer à terre, et de pouvoir éviter bien sûr de mettre en danger l’équipage ou le marin à bord comme ça a été le cas en 2018.

@Le Goff - Jaguanum - Chantier Maxi 1703 04.jpeg

150 entreprises de la région ont été mobilisées pour la conception et la fabrication du bateau. Vous êtes attendu ?

Oui, on est attendu. C’est vrai que c’est un événement important dans le monde de la course au large. Il n’y a pas beaucoup d’Ultimes qui existent dans le monde. C’est un travail et un savoir-faire qui ont concentrés énormément d’entreprises du Grand Ouest avec beaucoup de corps de métier différents. Mis bout à bout, ce travail et cette technologie ont fait progresser tout le monde et on a hâte de voir le résultat final. Ce sera sur l’eau qu’on aura les premières réponses à tout ce travail. On a hâte de naviguer la semaine prochaine. On aura d’ici là des tests à faire à quai à Lorient pour vérifier que tout est prêt pour aller enfin naviguer.

Il y a le bateau mais il y a aussi le navigateur. Quelle a été votre préparation physique ?

Ma préparation physique ne s’est pas arrêtée. J’ai travaillé depuis deux ans à terre pour être prêt aujourd’hui pour la mise à l’eau et je continuerai de travailler bien sûr en vue des courses à venir. Entre temps, pendant la construction de ce nouveau bateau, j’ai participé à deux reprises à la Solitaire du Figaro, avec notamment une victoire l’année dernière. Je suis resté affûté au niveau sportif pour garder la main. La Solitaire du Figaro est une épreuve rigoureuse qui demande beaucoup de paramètres. C’était important pour moi de rester affûté en vue des grandes échéances à venir.

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Le COVID-19 et la crise sanitaire ont-ils eu un impact pour vous dans la fabrication du bateau ?

Pour la fabrication du bateau, c’est vrai que l’année dernière lors du premier confinement, on avait été obligé de ralentir le chantier et la construction parce qu’il y a pas mal d’entreprises qui avaient dû s’arrêter. On a perdu presque un mois sur le planning initial mais ensuite les choses se sont très vite remises en route. J’espère maintenant que dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, les choses vont aussi s’améliorer pour pouvoir espérer avoir à nouveau tous ces grands rendez-vous sportifs de voile. Et puis aussi bien sûr, avoir un maximum de public présent aux départs et aux arrivées des courses car c’est toujours un moment fort et populaire. Je me rappelle l’engouement qu’il y avait il y a trois ans à Saint-Malo au départ de la Route du Rhum et de ces centaines de milliers de personnes qui étaient venues voir tous ces bateaux… J’espère qu’on aura de nouveau cette chance l’année prochaine !

BPCE

Quel sera votre programme ces prochains jours et ces prochains mois ?

On va déjà tester le bateau à Lorient pour voir un petit peu comment il se comporte et si tout correspond au cahier des charges. Ensuite, on va partir en Méditerranée pour un programme de représentions avec le sponsor Banque Populaire. Ensuite, on aura pleins d’entraînements et de tests au large avant le départ de la prochaine Transat Jacques-Vabre avec Kevin Escoffier mon équipier. L’année prochaine, ce sera la Route du Rhum. Et puis en 2023, ce sera Brest Oceans au départ de Brest, une nouvelle course d’Ultimes qui va avoir lieu, c’est un tour du monde en solitaire sur ces grands bateaux. C’est un petit peu comme le Vendée Globe mais sur des Ultimes. On espère tourner autour du monde en environ 40 jours.

Quel est votre objectif principal ?

Aujourd’hui, mon objectif principal est la Route du Rhum. C’est une course qui m’a fait défaut depuis deux échéances avec pas mal de problèmes. Mon objectif est aussi d’aller tourner autour du monde sur un Ultime avec la capacité de pouvoir la réaliser en 40/45 jours. J’ai eu la chance de terminer trois fois le Vendée Globe, j’aspire aujourd’hui à aller encore plus vite autour de la planète sur ces bateaux volants incroyables. Et j’espère que je ferai partie de ces quelques marins qui ont réussi ce grand défi. En 2023, ce sera le grand rendez-vous et puis après on verra. D’ici là, il y a quand même pas mal de travail et ça va déjà nous prendre pas mal de temps.

(Entretien retranscrit par Mikaël Le Gac)