Mort de Steve Maia Caniço à Nantes : l'affaire dépaysée à Rennes

5 septembre 2019 à 5h52 par Arnaud Laurenti

La Cour de Cassation a décidé de confier le dossier au juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Rennes en raison du caractère sensible et politique du dossier.

ALOUETTE
L'enquête est confiée au juge d'instruction du TGI de Rennes.
Crédit : Archives

Un dépaysement pour plus d'impartialité

L'enquête sur la mort de Steve Maia Caniço lors de la fête de la musique à Nantes, marquée par une opération policière controversée, a été dépaysée mercredi à Rennes, une décision "cohérente" pour l'avocate de la famille du jeune homme, "compte tenu du caractère sensible et politique du dossier".

"La cour de cassation a décidé de saisir de l'affaire dite de Steve Maia Caniço le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Rennes", a indiqué la cour d'appel de Rennes.

La demande de dépaysement avait été initiée il y a un mois par les deux juges d'instruction nantais en charge de l'enquête pour "homicide involontaire" et le procureur général près la cour d'appel de Rennes, Jean-François Thony, avait saisi la Cour de cassation de leur requête.

Une telle demande, intervenant aussi tôt dans l'enquête, est rare. Mais la disparition de cet animateur périscolaire de 24 ans, dont le corps a été retrouvé le 29 juillet dans la Loire, a suscité une très forte émotion et de vives critiques sur l'intervention des forces de l'ordre dans la nuit du 21 au 22 juin.

"Le dépaysement avec une orientation vers Rennes est cohérent", a réagi Cécile de Oliveira, l'avocate de la famille de Steve expliquant que "les juges d'instruction souhaitaient que cette procédure ne soit pas impactée par le sentiment, qu'auraient pu avoir les uns ou les autres, qu'il y aurait eu des pressions locales compte tenu du caractère sensible et politique du dossier".

"La famille a confiance dans les services enquêteurs", a-t-elle souligné auprès de l'AFP, relevant qu'ils ne souhaitaient pas s'exprimer directement par "souci de discrétion".

"La poursuite des investigations va nécessiter de rechercher toutes les responsabilités dans la mort du jeune homme et donc potentiellement, celles de partenaires institutionnels habituels du tribunal de grande instance de Nantes", avait expliqué début août Jean-François Thony.

Six enquêtes

"On est dans une situation où la justice essaye de garantir au maximum l'impartialité des magistrats, ce qui est évidemment nécessaire dans une affaire dans laquelle la police nationale, ou certains de ses membres, peuvent être mis en cause", a constaté Me de Oliveira mercredi soir.

Outre cette information judiciaire "contre x" pour "homicide involontaire", plusieurs enquêtes sont en cours pour faire la lumière sur le décès de Steve.

Des participants au sound-system en bord de Loire avaient relaté avoir été aveuglés par un nuage de gaz lacrymogène, plusieurs avaient chuté dans le fleuve. Steve Maia Caniço ne savait pas nager, selon ses proches.

L'Inspection générale de l'administration (IGA), un organe rattaché au ministère de l'Intérieur pour lequel il exerce une mission de "contrôle supérieur" notamment de l'action des préfets, doit rendre son rapport "au plus tard au 15 septembre".

Ce rapport était initialement attendu mercredi, mais "le chef de service a demandé au ministre de l'Intérieur un délai complémentaire pour rendre ses conclusions", selon le secrétaire d'État à l'Intérieur Laurent Nuñez.

Les conclusions de l'IGA doivent permettre, selon le Premier ministre Édouard Philippe d'"aller plus loin" que celles de l'enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), rendues fin juillet et qui n'avait pas pu établir de "lien" entre l'intervention de la police et la disparition de Steve Maia Caniço.

L'IGPN a par ailleurs été saisie pour une enquête judiciaire pour "mise en danger de la vie d'autrui et violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique", émanant de participant à la soirée techno.

Dix policiers blessés lors de la Fête de la musique ont aussi porté plainte et ces plaintes ont été adressées pour enquête à la police judiciaire.

Enfin, le Défenseur des droits Jacques Toubon s'est auto-saisi sur la disparition du jeune Nantais.

(avec AFP)