Vaccination, pass sanitaire : bras de fer engagé au Parlement autour du projet de loi
21 juillet 2021 à 8h52 par Arnaud Laurenti
Des oppositions qui se raidissent, une majorité vigilante sur les libertés et des rafales d'amendements : l'Assemblée nationale se saisit mercredi du projet de loi étendant le pass sanitaire, en vue d'une adoption express sous la pression du variant Delta du Covid-19.
Après douze heures de débat et l'examen de quelque 600 amendements, les députés ont adopté le texte en commission peu après 05h00 mercredi matin. Ils le retrouveront dans l'hémicycle à partir de 15h00.
Vivement contesté par une frange de l'opinion jusque dans la rue, ce texte traduit les annonces du 12 juillet d'Emmanuel Macron, de l'obligation vaccinale pour les soignants au pass sanitaire (prouvant la vaccination complète, un test négatif récent ou l'immunisation) pour l'accès aux cafés, restaurants et trains à partir de début août.
L'adoption définitive de ce texte d'ici ce week-end - au bout de la session extraordinaire du Parlement - relève du tour de force, tant il déchaîne les passions. "Les plus radicalisés risquent d'être en séance et tout va dépendre de l'attitude du ministre" de la Santé Olivier Véran, qui mouche régulièrement les oppositions, observe une source parlementaire.
Rien qu'en commission, quelque 600 amendements ont été passés en revue dans la nuit de mardi à mercredi.
Un délai pour les 12-17 ans
Les députés PS ont quitté la salle vers 2h40, jugeant "inutile de s'épuiser" dans un "affichage de travail législatif", quelques heures avant le coup d'envoi des débats dans l'hémicycle.
Sur le fond, la commission des Lois a voté en faveur du report à la fin septembre du pass sanitaire pour les 12-17 ans. Le gouvernement avait déjà exempté cette catégorie d'âge jusqu'au 30 août et la mesure pourrait être à nouveau débattue dans l'hémicycle, puis au Sénat jeudi.
Pour l'accès aux grands centres commerciaux, les députés ont avalisé de possibles exceptions au pass, quand il n'existe pas d'autres commerces de biens de première nécessité à proximité.
Ils ont aussi soutenu des sanctions renforcées contre la fabrication ou l'utilisation de faux pass sanitaires. Ou des peines aggravées en cas de violence sur des personnes contrôlant les pass.
¨Promouvoir" les libertés
Pour couper court aux critiques et annonces de saisines du Conseil constitutionnel qui se multipliaient, de la droite sénatoriale aux députés LFI, le Premier ministre a annoncé qu'il en appellerait lui-même aux Sages sur l'ensemble du projet de loi.
"Notre objectif a été de prendre des mesures proportionnées" et "le pass sanitaire n'est pas une atteinte aux libertés, il va viser à les promouvoir", fait valoir Jean Castex, cependant que plusieurs députés, principalement LREM, ont été menacés de mort pour leur soutien au texte par des anti-pass ou anti-vaccin.
L'obligation vaccinale étendue aux soignants, sapeurs pompiers et encore professionnels auprès des personnes âgées est largement soutenue, hors extrême droite et extrême gauche.
C'est sur l'extension du pass sanitaire que droite et gauche réservent leurs banderilles. Les députés LR réclament de la "souplesse" pour qu'il ne soit pas aussi dur qu'un confinement, avec des amendes réduites et une dérogation jusqu'au 30 août pour ceux ayant reçu une première dose de vaccin. Mardi soir, Olivier Véran n'a pas complètement fermé la porte sur ce dernier point, même s'il attend des avis scientifiques.
Les socialistes rejettent le pass, qui reviendrait à ce que "la moitié de la population (restaurateurs, commerçants...) contrôle l'autre moitié de la population". Ils lui préfèrent une "vaccination obligatoire" des majeurs contre le Covid "d'ici au 1er octobre".
Députés communistes et insoumis s'orientent vers un vote global contre, rejetant des "atteintes" aux libertés individuelles et veulent convaincre plutôt que contraindre.
Du côté de la majorité, les réticences initiales vis-à-vis du pass ont été balayées par les annonces présidentielles et les rendez-vous de déminage du gouvernement.
Le pass sanitaire est un "vilain concept", que "je n'aime pas", mais il y a "urgence" pour éviter la fermeture d'établissements, a insisté Olivier Véran mardi soir.
Mais la question de l'isolement obligatoire pour les malades passe mal auprès de certains LREM et quelques frondeurs ont donné de la voix.
À l'inverse, les alliés d'Agir veulent aller plus loin sur la question de l'isolement, en supprimant le créneau de sortie de deux heures envisagé.
Et les élus MoDem, qui avaient provoqué un couac en mai lors d'un vote sur le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire - prorogé là au 31 décembre - , revendiquent un débat chaque mois au Parlement sur la situation sanitaire et économique.
(avec AFP)