Barbara Pravi : "J'ai fabriqué mon spectacle avec le public"

27 avril 2022 à 14h14 par Alexandrine Douet

L'interprète de "Voilà", en tournée depuis plus d'un an est de passage en cette fin de semaine à Bordeaux et à Nantes.

Le premier album de Barbara Pravi "On n'enferme pas les oiseaux" est sorti l'été dernier
Le premier album de Barbara Pravi "On n'enferme pas les oiseaux" est sorti l'été dernier
Crédit : Nicolas et Siermond

Tout réussit à Barbara Pravi ! Après avoir décroché une très belle deuxième place lors du concours de l'Eurovision en mai 2021 à Rotterdam, la jeune chanteuse (elle fêtera ses 30 ans l'an prochain) a sorti en août dernier son tout premier album "On n'enferme pas les oiseaux". Sacrée "Révélation féminine de l'année" lors des dernières Victoires de la Musique, elle nous raconte son bonheur de rencontrer le public.

Depuis plusieurs semaines maintenant, vous parcourez les routes de France, et même européennes, pour défendre ce tout premier album intitulé « On n’enferme pas les oiseaux ». Comment se passe la rencontre avec le public ?

En fait, ça fait même carrément plusieurs mois, maintenant. Parce que ça va faire bientôt un an que j’ai commencé la tournée. C’est assez génial parce que c’est la première fois que je fais ma tournée. En fait, ça demande d’être prêt, par exemple de réfléchir aux lumières, de réfléchir à une setlist… C’est un spectacle qu’on construit. Et normalement, c’est que tu as, par exemple, une semaine de résidence avec toutes les personnes qui font la tournée, donc, les musiciens, les régisseurs, etc., pour préparer un spectacle. Moi, ça a été tellement vite après l’Eurovision, en fait, j’ai eu des dates tellement rapidement après que je n’ai pas eu le temps de faire ça. Donc, ce qui s’est passé était génial, intense mais génial, c’est que j’ai fabriqué mon spectacle avec le public. Parce que je suis montée sur scène en ayant, en gros, une dizaine de chansons, mon album n’était même pas encore sorti.

Heureusement, j’ai des supers musiciens avec moi et je suis musicienne aussi, donc, j’ai l’habitude de diriger des musiciens. Donc, j’ai fabriqué le live comme ça et j’ai construit tout mon spectacle avec le public, en fait. Tout ce que vous allez voir à Bordeaux, à Nantes et partout, d’abord, c’est constamment en évolution parce que je n’aime pas m’ennuyer, donc, je fais tout le temps plein de modifications, enfin, je le perfectionne à chaque fois. Et surtout, je l’ai fabriqué avec les gens pour les gens et en voyant leurs réactions. Donc, il y a une espèce de communion. Ce n'est pas du tout un concert un peu « classique », c’est vraiment un spectacle où il se passe tout le temps plein de choses, c’est une histoire de A à Z, en fait, et j’adore ça.

Donc, c’est participatif et, finalement, ça évolue constamment ?

C’est participatif, oui. Cela étant, je l’ai construit avec les réactions des gens. J’ai vu comment les emmener dans une histoire, enfin, je l’ai taillé en ayant en face de moi un public. Comme un humoriste avant de faire des grosses salles, il se rode dans des petites salles. En fait, c’est ça, mais moi, ce n’étaient pas des petites salles. D’ailleurs, il n’est pas question de tailles de salles, il est question de regard de l’autre. Du coup, avec mes chansons, avec mon histoire, j’ai appris à parler au public exactement comme je parle à mes amis, par exemple. Les gens sont très proches de moi et je suis très proche des gens. Il n’y a vraiment pas de distance, en fait, entre nous.

Justement, plus précisément, ça ressemble à quoi ? C’est quelque chose d’assez intimiste ?

Oui. Déjà, musicalement, nous sommes quatre sur scène. Moi qui chante, un pianiste, une violoncelliste et un contrebassiste. Donc, c’est assez classique comme formation et il y a beaucoup d’acoustiques. En général, les retours que j’ai, c’est que c’est un spectacle, un peu comme une espèce de mix entre du théâtre et de la chanson parce que je raconte plein de choses, plein d’histoires. C’est-à-dire qu’on entre dans une histoire au début et qu’on en ressort à la fin. Il se passe plein de choses. Aux lumières, ça reste très sobre. Il y a plein de petits éléments qui apparaissent, enfin, c’est un peu de la magie, en fait.

C’est un spectacle très personnel et assez organique ?

Tout à fait.

C’est l’univers de Barbara Pravi, en fait ?

Oui, c’est très simple, c’est très naturel, c’est très humain.

En dehors de votre talent, qu’est-ce qui plaît autant chez vous, selon vous ? C’est cette simplicité et cette authenticité ?

Probablement, je vous avoue que je ne me rends pas trop compte de ça parce que je suis moi-même.

Rien n’est calculé, finalement ?

C’est ça, c’est ce que j’allais dire. Je ne me pose pas vraiment de questions. Je ne me demande jamais si c’est le bon endroit où aller, en fait, je vais. De toute façon, je pars du principe que, puisque j’ai pris la décision, qu’elle soit bonne ou mauvaise, en fait, puisque c’est moi qui l’ai prise, alors si je m’en veux, je m’en veux à moi, en fait. Ce n’est pas grave et j’apprends de mes erreurs. J’ai l’impression d’être en rebond tout le temps et de ne faire qu’apprendre. On est tous humain, on prend tous des décisions qui ne sont pas les bonnes de temps en temps, on fait tous des erreurs…

En fait, c’est la vie. Pour moi, la musique n’est pas dissociée de ma vie. C’est vraiment la même chose, c’est le même jeu, c’est la même façon d’aborder les chansons, c’est la même façon d’aborder les gens… Enfin, voilà. Je ne calcule pas et j’essaye, dans ma vie, d’être tellement sincère avec moi-même que j’essaye d’être exactement pareille dans la musique, en fait.

Est-ce que ce n’est pas compliqué, parfois, de coucher des mots sur le papier et de se livrer autant devant le public ?

En fait, je ne me pose plus ces questions-là. Ce sont des questions que je me suis posée au début. Les premières fois qu’on fait des chansons en français, par exemple. Je ne me pose plus ces questions-là parce que c’est devenu une absolue nécessité pour moi. A partir du moment où j’ai commencé à me mettre dans la tête qu’il fallait que vraiment que je me détache de ce que les autres pouvaient penser, puisque de toute façon, je faisais de mon mieux, et quel que soit mon « mieux », en fait, ça change vraiment la perception de tout et même de la musique. Donc, je ne me pose pas ces questions-là. Moi, c’est une thérapie. C’est-à-dire que je me guéri en écrivant le plus sincèrement et le plus crûment possible ce que je ressens, ce que je vis. Je me rends compte que, parfois, ça peut aussi aider les autres. Mais à la base, c’est vraiment fait pour m’aider moi, c’est une thérapie véritable, en fait.

Justement, après avoir beaucoup écrit pour les autres, peut-être que c’était une façon de se cacher un peu derrière la personnalité d’un autre artiste ?

Alors, pas du tout pour moi. C’est parce que j’avais commencé à faire mon projet Barbara Pravi mais que j’étais tombée sur des gens qui ne faisaient que de me dévaloriser, et donc, j’étais persuadée d’être nulle, que ça ne marcherait jamais et que ça ne servait à rien. En revanche, comme j’écrivais avant de rencontrer ces gens-là, je savais aussi que je savais écrire, puisque ça, c’est quelque chose qui m’appartenait avant. Mais, sinon ils m’avaient dépossédé de tout ce que je savais de moi et tout ce que je pensais de bien de moi. Du coup, je me suis juste dit : « Ok, je ne ferais pas de la musique, ce n’est pas grave, en revanche, puisque je n’ai pas fait d’études, que j’aime écrire et que c’est vraiment ma raison de vivre, je vais prêter mon écriture à d’autres artistes. ». Mais, ce n’était pas du tout une volonté de me cacher, je n’ai jamais eu la volonté de me cacher. J’étais juste persuadée que j’étais nulle, en fait.

Vous avez dû frapper aux portes pour proposer ces textes ? Comment ça s’est passé ?

Ça, c’est assez facile pour moi parce que je suis quelqu’un d’assez sociable. Donc, ça faisait déjà quelques années que j’étais dans la musique et que je connaissais quelques personnes du milieu. En fait, c’est vraiment du relationnel. Je ne peux pas expliquer comment j’ai fait mais c’était assez facile, à vrai dire.

Que sont devenus les gens qui n’ont pas cru en vous ? Vous les avez sortis de votre vie depuis ?

Je les ai complètement sortis de ma vie, ça fait un petit moment maintenant. C’étaient des gens du métier et ce n’était pas évident parce que c’est un système un peu négatif. On remet sa confiance entre les mains de quelqu’un, et en fait, cette personne est dépositaire de quelque chose de nous qui nous appartient. A partir du moment où on ne l’a plus entre nos mains, alors, on ne se sent plus grand-chose, en fait. De partir du coup, ce n’est pas facile parce qu’on est persuadé que sans ces personnes-là, on n’est rien. C’est vraiment un cercle vicieux un peu triste.

Quel souvenir gardez-vous de l’Eurovision ?

D’abord, extrêmement reconnaissante. Ça fait un an maintenant et je n’ai jamais eu de pauses, donc, j’ai du mal à prendre conscience de tout ce que m’a apporté l’Eurovision. Je pense que je réaliserais vraiment plus tard. L’Eurovision m’a permis de rencontrer le public et le public a choisi, parce que c’est quand même une émission où les gens choisissent. Donc, il y a quelque chose de fou. Je me suis sentie acceptée par mon pays. C’est beau quand même !

Vous imaginiez finir deuxième du concours ? Vous y avez participé en espérant faire un bon classement ?

En fait, je déteste les concours, ça m’angoisse. Je ne suis jamais contre les gens, moi, j’ai envie de faire des câlins aux gens, donc, du coup, je n’ai pas du tout ce rapport-là aux autres et aux concours. J’y ai participé en me disant que je ferais de mon mieux. Je ne me sentais pas en compétition parce que ce que je faisais n’avait rien à voir avec ce que faisaient les autres. Une fois que j’étais dedans, évidemment qu’on espère faire un bon classement parce qu’il y a plein de gens derrière. A vrai dire, je n’étais pas inquiète, je me sentais tellement portée que je n’étais pas dans le concours, en fait, j’étais dans ma chanson. Deuxième, c’était la place parfaite. Parce qu’en fait, il y a tous les avantages et la visibilité d’une victoire, et en même temps, il n’y a pas d’inconvénients. C’est-à-dire que quand je vois la vie des grandes stars, je n’envie pas ça du tout. C’est déjà énorme ce qui m’arrive. C’est déjà tellement difficile de continuer de pouvoir voire ma famille, donc, j’ai la chance de pouvoir encore le faire et de choisir ces moments-là. Je n’aurais peut-être pas pu si j’étais arrivée première.

Vous êtes quand même rentrée dans une autre dimension avec votre Victoire de la Musique obtenue il y a quelques mois maintenant ?

Oui, c’est sûr. Cependant, j’ai encore le temps de voir mes amis et ma famille. Ce sont des choses que je peux me permettre de faire. Ce sont des choses qu’on ne peut pas forcément faire quand on est plus connu et qu’on a plus d’obligations.

On vous définit souvent comme la nouvelle Edith Piaf. Est-ce une comparaison qui vous plaît ? Est-ce que c’est un héritage que vous revendiquez ?

C’est notre héritage à tous en France. Dans la musique, c’est quand même une grande figure. C’est un héritage, c’est sûr. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup écouté. Cela étant, je n’ai pas écouté qu’Edith Piaf, je connais très bien la chanson française. Je pense que c’est une idée qu’on s’est fait à l’international. Parce qu’en fait, en vérité, si on sort de France, que connaît-on de la France ? On connaît la baguette, Edith Piaf, un peu Charles Aznavour aussi… Donc, forcément, quand on voit arriver une Française qui chante avec une voix un peu puissante, de la chanson et de la valse, etc. Automatiquement, l’international cale son imaginaire sur Edith Piaf. C’est quand même une comparaison assez incroyable.

Quand on pense à Barbara Pravi, on pense aussi à une autre Barbara. Barbara fait-elle partie des artistes que vous écoutiez étant plus jeune ?

Je connais par cœur Barbara. C’est vraiment elle qui m’a fait découvrir l’écriture.

Arrivez-vous, finalement, à conserver un petit peu de temps pour vous et pour vos proches avec cette tournée ?

C’est obligatoire, je pense, pour se sentir bien. Sinon, c’est beaucoup trop hors normes et je pense qu’on devient un peu fou.

Donc, ça vous permet aussi de garder les pieds sur terre ?

Tout à fait. J’ai vraiment les mêmes amis depuis 30 ans presque. Donc, c’est simple, c’est vraiment ma famille, en fait.

Cet été, il y aura des festivals et notamment les Francofolies de La Rochelle. Festival mythique, forcément ?

Oui, surtout que je rêvais d’y participer. C’était le cas avec Le Trianon, c’était le cas avec L’Olympia et c’est le cas avec les Francofolies. Je fais les trois, donc, j’ai quand même une chance infinie, en fait. Les Francofolies de La Rochelle, c’est le rêve ! A vrai dire, le Théâtre Femina à Bordeaux, c’était l’un de mes rêves aussi. Donc, je suis trop heureuse, j’ai vraiment une très bonne étoile.

Avez-vous déjà d’autres projets en tête ?

En vrai, dans quelques années, j’aimerais bien monter un petit spectacle, j’aimerais faire du cinéma, j’aimerais écrire un livre… Enfin, je ne me ferme aucune porte, en fait. Si on en a le désir et qu’on met tout en œuvre, je pense qu’on peut vraiment réussir les choses.

Il y a aussi eu l’émission "Nos terres inconnues" qui a beaucoup marqué les Français et qui a montré encore une autre facette de vous…

Pour moi, c’est la même facette que toutes les autres (rires). C’était vraiment une expérience incroyable ! C’est surtout que j’ai rencontré des gens incroyables. C’était magnifique ! C’est une immense chance de faire ça.

Que peut-on vous souhaiter, aujourd’hui ?

De finir la tournée tranquille et que ça réunisse encore plein de monde. D’avoir encore des idées pour la suite et que ce ne soit pas terminé, justement.

Avez-vous, pour conclure, une devise quand vous vous levez le matin ?

Je n’ai pas de devise mais je crois que je suis quelqu’un de très heureuse. J’essaye d’être toujours heureuse et de me dire que tout ce qui m’arrivera aujourd’hui sera bien et d’essayer de réfléchir sur les choses de façon positive.


Barbara Pravi en concert le vendredi 29 avril à Bordeaux, Théâtre Femina, et le samedi 30 avril à Nantes, à la Cité des Congrès.

Le site officiel de Barbara Pravi