Langues régionales : La réponse en demi-teinte du Conseil constitutionnel
21 mai 2021 à 14h13 par Emma Piau
Ce vendredi 21 mai, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement le projet de loi déposé par un député du Morbihan, Paul Molac, en faveur des langues régionales.
Le Conseil constitutionnel a retoqué partiellement la proposition de loi en faveur des langues régionales. Préparée par le député breton d'opposition Paul Molac (groupe Libertés et territoires), la proposition de loi "relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion" est une première depuis 70 ans.
Oui pour le volet financier
Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert aux nouvelles dispositions permettant la prise en charge financière par les communes de la scolarisation d'enfants suivant des enseignements de langue régionale.
Il s’agit d’"une victoire", pour M. Molac, devenu aux yeux de toute la France le premier supporter de cette cause populaire dans les régions cultivant une forte identité.
"C'est incroyable parce que c'était l'article qui était visé et on pensait qu'il pouvait sauter", se réjouit Thierry Delobel, président de la Fédération pour les langues régionales dans l'enseignement public (Flarep).
Non pour l’enseignement immersif et les signes diacritiques
En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré l'"enseignement immersif" des langues régionales et l'utilisation de signes diacritiques comme le tilde (~) dans les actes de l'état civil.
L’enseignement immersif consiste à plonger les élèves dans un milieu où toutes les matières du programme sont enseignées dans la langue régionale et où celle-ci est parlée dans toutes les activités scolaires quotidiennes.
Par exemple, l’association Eskolim regroupe les fédérations d'écoles associatives enseignant en langues régionales de France en immersion linguistique.
"Sur l'immersion, c'est une vision totalement dépassée" et "cela met même en insécurité tout un tas d'écoles avec un enseignement en breton mais aussi en basque, catalan, occitan", s'est inquiété le député Molac, en appelant le président Emmanuel Macron à initier un changement de la Constitution.
— Paul Molac (@Paul_Molac) May 21, 2021
Concernant les signes diacritiques, "c'est assez incompréhensible : sur la carte d'identité, il va y avoir de l'anglais et c'est autorisé. C'est deux poids, deux mesures", a dénoncé l'élu du Morbihan.
Cette censure a une forte charge symbolique en particulier en Bretagne, où le combat des parents de Fañch, un garçon de quatre ans, qui étaient allés jusqu'à la Cour de cassation pour permettre à leur fils de garder son "n tilde", avait passionné.
"C'est un gros retour en arrière", a confié à l'AFP Jean-Christophe Bernard, le père de Fañch.
"Une fois de plus l'article 2 de la Constitution est utilisé contre les langues régionales.(...) Quelle frilosité ! Quel acharnement contre ses propres richesses ! Triste France !", a regretté Bernez Rouz, président du conseil culturel de Bretagne, un organe rattaché au Conseil régional.
#bzhg Une fois de plus l'article 2 de la Constitution est utilisé contre les langues régionales. Pas d'immersion dans les écoles ! pas de tilde sur Fañch ! quel repliement sur soi ! Quelle frilosité ! Quel acharnement contre ses propres richesses ! triste France !
— Bernez Rouz (@BernezRouz) May 21, 2021
La "loi Molac" avait été adoptée par le Parlement le 8 avril après un vote surprise de l'Assemblée nationale qui avait ignoré les oppositions du gouvernement.
Cette décision du Conseil constitutionnel intervient en pleine campagne pour les élections régionales de juin prochain, où la promotion des langues et cultures régionales est perçue comme une thématique populaire.
(Avec AFP)