Vingt ans après, l'affaire Godard reste un mystère

30 août 2019 à 9h28 par Arnaud Laurenti

Le 1er septembre 1999, le couple Godard et leurs deux enfants louent un voilier et quittent Saint-Malo pour quelques jours en mer. Ils ne rentreront jamais.

ALOUETTE
Le voilier loué par le Dr Yves Godard a quitté Saint-Malo le 1er septembre 1999
Crédit : Archive

Une disparition inexpliquée

Le bateau loué par Yves Godard, le "Nick", est contrôlé le 2 septembre par les douanes, mais le 5, la famille ne revient pas à Saint-Malo comme prévu. Ce même jour, l'annexe du voilier est découverte, dérivant au large de l'île de Batz dans le Finistère.

Les jours suivants, les gendarmes procèdent à une perquisition au domicile familial, à Tilly-sur-Seulles (Calvados), à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Caen. Ils y découvrent d'importantes traces de sang qui s'avèrent similaires à celles trouvées dans le véhicule stationné à Saint-Malo par Yves Godard: le sang de sa compagne, Marie-France.

Le 10 septembre, une information judiciaire est ouverte contre Yves Godard pour homicide volontaire sur son épouse, suivie, le 13, par un mandat d'arrêt international.

Comme égrenés à l'image du petit Poucet, les mois puis les années qui suivent voient régulièrement apparaître des objets appartenant à la famille ou au voilier, de part et d'autres de la Manche, parfois au mépris des courants. Des objets qui semblent ne pas avoir souffert du long séjour en mer qu'ils sont censés avoir subi, comme s'ils avaient été jetés à l'eau peu avant leur découverte.

Ainsi le 14 décembre 2008, presque 10 ans après la disparition, un pêcheur à pied va découvrir la carte d'assuré social du Dr Godard sur l'Ile des Ebihens dans les Côtes-d'Armor... en bon état.

La piste des os

Peu après la disparition, des signalements font état de la présence d'Yves Godard et de ses enfants sur l'île de Man et aux Hébrides. Les signalements vont ainsi se multiplier au fil des années, en Crète (Grèce) ou encore à Miami (Etats-Unis) et jusqu'en Afrique du Sud. En vain.

Mais, le 6 juin 2000, premier coup de tonnerre: un chalutier remonte un morceau de crâne qui se révèle être celui de Camille. La découverte a été faite au large d'Erquy (Côtes-d'Armor), dans le secteur où le "Nick" avait été contrôlé par les douaniers neuf mois plus tôt.

Nouveau rebondissement, décisif cette fois-ci, six ans plus tard: la découverte, en septembre 2006 au large de Roscoff (Finistère), d'un tibia et d'un fémur identifiés comme étant ceux du Dr Godard.

Mais le drame n'est pas élucidé pour autant: ni le corps de la mère, Marie-France, ni celui du fils Marius, ni l'épave du "Nick" n'ont été retrouvés. Aucun mouvement de fonds n'a été enregistré sur les comptes de la famille après sa disparition.

"La seule hypothèse que l'on peut exclure est que la disparition de la famille s'explique par un simple accident de mer", écrira le parquet en septembre 2012 en clôturant l'affaire, après 13 ans d'enquête, 84 commissions rogatoires, et un dossier de 30 tomes.

"On ne peut affirmer formellement qu'Yves Godard est l'auteur de l'homicide" de son épouse, avait déclaré en clôturant le dossier le procureur de la République de Saint-Malo de l'époque Alexandre de Bosschère.

Vingt ans plus tard, le mystère reste entier. Et toutes les hypothèses restent ouvertes: de la dispute conjugale qui tourne au coup de folie, du suicide déguisé pour échapper à des soucis financiers, à l'assassinat sur fond de paradis fiscaux. L'avocat de la famille de Marie-France Godard opte lui pour "le suicide maquillé en naufrage".

Aujourd'hui, seul le parquet a le pouvoir de rouvrir le dossier, clos en 2012, sur la base d'un témoignage solide, avant 2022.

(avec AFP)